À ma place : deux ou trois choses publiques…

Aux portes des nouvelles années 20, années marquées par la crise sanitaire mondiale du Covid-19 et la possibilité d’une nouvelle ère politique, économique, humaine et sociétale ; aux portes d’une ère de plus en plus préoccupée par l’écologie et son champ des possibles et par des moyens inédits de perpétuer la production des ressources terrestres ; à l’aube des années 20 portant le sceau de la fin d’une époque mêlée de luttes, d’espoirs et de revendications sociales touchant aussi bien la France que d’autres pays limitrophes ou davantage éloignés ; à ces portes du moment présent sort À ma place, court documentaire de la confidentielle Jeanne Dressen prenant comme toile de fond le phénomène Nuit Debout né au printemps 2016 en plein quinquennat du président François Hollande, phénomène portant en germe les attentes et les revendications que le peuple français manifestera deux ans et demi plus tard avec le mouvement des Gilets Jaunes : dissolution des inégalités, remise en question du nouveau Code du Travail ou encore prise de conscience humaine et citoyenne amenant plusieurs millions de français à se rassembler sur les lieux publics afin de redéfinir la démocratie, ses devoirs et ses droits.

D’abord diffusé à partir du 17 juin 2020 sur le site La 25eheure.com sous la forme de séances suivies d’un débat entre internautes puis en exclusivité à l’Espace Saint-Michel à partir du 9 septembre 2020À Ma Place retranscrit le scénario de vie de Savannah, jeune et brillante étudiante et militante convaincue brûlant littéralement  » la chandelle par les deux bouts ». Tiraillée entre ses aspirations à intégrer l’ENS (École Normale Supérieure, ndlr) et ses fréquentes mobilisations à Place de la République lors du printemps 2016, Savannah nous est présentée comme un paradigme d’engagement politique et professionnel par Jeanne Dressen, modèle idéologique de pratiquement tous les plans. Sans jamais complaisamment héroïser cette figure instigatrice et pleinement volontaire la réalisatrice préfère la montrer sous son jour le plus simple et le plus intimiste. À la différence d’un documentaire tel que L’Assemblée de Mariana Otero, À Ma Place s’interroge moins sur les tenants et aboutissants plus ou moins objectifs d’une démocratie participative que sur leurs conséquences humaines et psychologiques sur une individualité donnée… D’où l’intérêt et la pertinence de Jeanne Dressen de coller au plus près du quotidien de Savannah, aussi bien sur le plan public que sur le plan privé – et familial.

Avec respect et empathie pour son Sujet (le terme est à prendre aussi bien dans son sens courant que dans son sens psychologique), Jeanne Dressen montre l’évolution de cette jeune femme à convictions, aucunement corruptible et proche des gens qu’elle aime, en filmant Nuit Debout « de l’intérieur« . Une scène – située presque au centre du métrage – montre une bribe de manifestation qui dégénère entre les indignés français et les CRS ; filmée en direct de la même façon que les autres séquences dudit documentaire, cette scène met sur la sellette l’antagoniste principal de Savannah : l’État policier. Meurtrie, bafouée dans son bon droit de vouloir assister à une utopie entrain de se réaliser la jeune femme compare à juste-titre son expérience à un choc post-traumatique, certainement accentuée par le surmenage auquel elle est alors confrontée suite à la soutenance de ses hautes études.

À Ma Place part donc d’un cas général pour mieux se déplacer vers un cas particulier, une individualité, une singularité. De ce raisonnement déductif, Jeanne Dressen livre un film-portrait d’une surprenante modestie, gardant la bonne distance et la bonne proximité à l’encontre de Savannah : l’intime au cœur du spectacle. Ou de la difficulté d’exister au sein d’une collectivité, par engagement ou simple capacité d’action. Ni plus, ni moins.

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