Le Sexe fou : L’art de dédramatiser la chose

L’été étant la saison la plus propice à l’éveil du désir et à tout ce qui touche au sexe (comme en témoigne de nombreuses revues telles que La septième obsession, Revus et corrigés ou encore America qui ont consacré leurs excellents numéros d’été à la question), on ne s’étonnera guère de voir débarquer dans les salles obscures Le Sexe fou, comédie de Dino Risi ressortant dans une superbe copie dès le 26 août sous l’impulsion des Acacias, distributeur discret mais au travail toujours impeccable.

Habitué des films à sketchs dont il s’est fait une spécialité, Dino Risi livre ici une comédie polissonne vivace et frondeuse, qui n’a peur d’aucun tabou et qui dédramatise le sexe de façon totalement réjouissante. La gérontophilie, la masturbation, l’impuissance, l’homosexualité et même l’inceste sont autant de thématiques qui passent sous son prisme sans que le film ne tombe jamais dans le graveleux et le vulgaire. Il y a, dans chacun des neuf segments composant le film, une sorte de délicate sophistication (palpable, notamment à travers le travail effectué sur les décors) et une légère touche d’érotisme qui font plaisir au regard certes, mais il y a surtout un travail particulièrement fouillé sur l’écriture des personnages. Bien que croqués dans leurs traits les plus excessifs, ceux-ci ne sombrent jamais dans la basse caricature. Particularité tout à fait italienne que de rendre attachants et profondément humains des personnages à priori aussi pathétiques et grotesques.

Amusant à plusieurs reprises (on n’est pas près d’oublier la vendetta d’une veuve sicilienne, la chute du film et surtout la séquence de masturbation rythmée par La Pie voleuse de Rossini où un donneur de sperme fantasme allégrement sur la nonne qui l’a installé dans la pièce – morceau de bravoure du long-métrage), Le Sexe fou surprend également par la profondeur de ses personnages lors de deux segments en particulier. Dans Reviens, mon lapin, un modeste employé récemment quitté par sa femme demande à une prostituée de la remplacer le temps d’une soirée pour un moment particulièrement touchant tandis que dans Un amour difficile, Nino tombe amoureux de Gilda, superbe femme s’avérant être une prostituée et un travesti… De ce pitch qui aurait rapidement pu sombrer dans la gaudriole graveleuse, Risi tire au contraire le meilleur segment de son film en auscultant avec force le besoin de tendresse et d’amour de l’être humain tout en délivrant un plaidoyer subtil pour la liberté d’aimer qui l’on veut.

Drôle mais surtout étonnamment juste et même parfois bouleversant, Le Sexe fou se repose sur deux interprètes de choix pour donner corps aux neufs segments le composant. Présent dans tous les segments, Giancarlo Giannini croque tous ses personnages avec un goût de l’outrance particulièrement savoureux sans jamais succomber à l’excès, contrebalançant le ridicule de ses looks improbables avec une justesse de jeu toujours impeccable. Laura Antonelli bénéficie de son côté d’une mise en avant inévitable de sa superbe plastique, le sujet du film oblige. Mais l’actrice, d’une sensualité embrasant l’écran, est bien plus qu’un simple corps et le prouve à travers tout le film où elle s’amuse de ses personnages avec malice, allant de la veuve vengeresse à la femme séduisant ouvertement l’invité de son mari en passant par la nonne alimentant bien des fantasmes. Ce duo de choc, que Risi filme avec un plaisir évident justifie à lui seul la vision du film dont on salue encore aujourd’hui l’audace et le ton ouvertement polisson pour dédramatiser quelque chose qui occupe énormément nos vies et dont il ne fait jamais de mal d’en rire.

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  1. Malicia : Papa, la bonne et moi -

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