Horribilis : C’est la bébête qui monte, qui monte, qui monte…

Pour le commun des mortels, le nom de James Gunn a été popularisé grâce à son travail sur Les Gardiens de la Galaxie. Pour les aficionados de la société Troma Entertainment (Lloyd Kaufman, notre père du mauvais goût pour l’éternité), il est un des nombreux poulains ayant fait ses premières armes dans le sang et les tripes (James Gunn, premières armes, on est bien en terme de blagues moisies, sic!). Pour ses débuts au cinéma, il participe en 1996 à l’écriture et la co-réalisation de Tromeo & Juliet, une revisite gore de l’œuvre emblématique de Shakespeare. Il enchaîne les rôles d’assistant sur divers tournages au sein de Troma avant de quitter la firme en 2000. Il restera proche de cette dernière, mais il rêve d’un Hollywood plus mainstream. Il faudra attendre 2006, et divers projets d’écritures, afin qu’il ne réussisse à mettre un pied dans le grand bain. Horribilis est un film d’horreur qui transpire la charte Troma de tous ses pores. Drôle, irrévérencieux et gore, le premier véritable film de James Gunn démontre tout le savoir-faire qu’il a acquit aux côtés de Kaufman et bénéficie d’un budget nettement plus conséquent que les œuvres de son père de cœur. Malgré un succès public incontestable (les fans de Troma ont salué la prise de risque et le jusqu’au boutisme du film), le film a été un échec commercial cuisant. Le monde n’est décidément pas prêt à manger de la Troma en pagaille, et dans un sens, ce n’est pas plus mal. On se congratule de pouvoir garder notre rapport particulier avec la firme. Un sens du divertissement qui ne sera pas entaché par les chartes de plus gros studios bien trop frileux. Les films Troma sont-ils réservés à un public niche ? Bien évidemment que oui ! C’est le genre de jardin qu’on aime partager avec les mêmes amoureux du genre, les mêmes amoureux de la démesure…

Horribilis aura montré aux yeux du monde qu’il existe des sociétés qui produisent ce genre de cinéma. S’il a pu conquérir de nouveaux adeptes, c’est tant mieux. On ne connaît rien de plus salvateur que de voir des gens s’amuser comme des enfants à éclater des tripes dans tous les sens et jouer comme des pieds…tant que l’énergie et l’amour du genre sont toujours présents, nous soutiendrons la Troma. D’autant que nous nous amusons à croire que la Universal (le studio derrière Horribilis) ne s’attendait pas à voir débouler ce genre d’énergumènes dans leur catalogue. Cela vaudra à James Gunn de persévérer avant d’atteindre son statut actuel. En 2010, il réalisera Super. Un film de super-héros indépendant extrêmement drôle qui témoigne déjà tout l’amour qu’il porte au genre. Un film remarqué qui lui ouvrira les portes des studios Marvel en 2014 pour Les Gardiens de la Galaxie. Retour sur les origines de son cinéma.

Grant est l’un des citoyens les plus fortunés de la paisible bourgade de Wheelsy, mais l’argent ne parvient pas à compenser l’indifférence totale de sa jeune et belle épouse, Starla, qu’il aime d’un amour sans retour. Au cours d’une virée dans les bois, Grant et consolatrice d’un soir, Brenda, découvrent une masse gélatineuse à proximité d’un cratère d’origine extraterrestre. Soudain, un puissant tentacule jaillit, inoculant à Grant un germe mortel. Starla constate bientôt chez son mari les symptômes d’une insidieuse et troublante métamorphose, dont la petite ville fera très vite les frais.

Pour son premier gros film, James Gunn s’entoure d’un casting en or. Il se paie les services de Nathan Fillion, Elizabeth Banks et Michael Rooker qui assurent les rôles titres du métrage. Un trio de tête absolument bluffant (Rooker le premier), qui se donne à cœur joie de cabotiner comme des enfants. Horribilis est un film à l’humour noir décomplexé et ravageur. L’écriture de James Gunn est limpide et frappe directement la mémoire des cinéphiles adeptes du même cinéma que lui. Il parvient à s’approprier tous les films qui ont fait sa culture et distille ses références subtilement. Horribilis est une bible de la série B où les clins d’yeux pleuvent à tire larigot. On y notera, notamment, un caméo de Lloyd Kaufman (qui sera présent dans chacun des films de Gunn) et la voix de Rob Zombie. Parmi ses influences, Horribilis convoquera Extra Sangsues, Rosemary’s Baby, The Thing, Basket Case, Society, Videodrome, Tremors ou encore Predator. Tout un pan du cinéma des années 70-80 qui aura probablement grandement contribué à la culture vidéo-club qui a formé James Gunn. Une culture similaire à la nôtre (et à celle de tous les fans de la Troma en définitive) qui fait qu’on ne peut que s’amuser devant Horribilis. De plus, malgré la courte durée du film, Gunn prend son temps afin de développer ses personnages. Une qualité notable quand on sait le travail et le stress que demandent un premier long-métrage. Alloué d’un budget de 15 millions de dollars (très honorable pour une série B), James Gunn n’en met pas plein les mirettes d’entrée de jeu. Il nous demande de comprendre ses personnages, de s’identifier à eux, avant d’ouvrir les vannes du mauvais goût. Oui, car Horribilis, quand il enclenche la vitesse supérieure, est une succession de scènes gores et jubilantes qui feront sautiller de joie tous les amateurs du genre.

La transformation de Michael Rooker est saisissante. Les effets spéciaux supervisés par Todd Masters (le responsable des effets sur American Mary, Hurlements 4, Red State ou encore Leprechaun 2, entre autres) sont d’une qualité imparable. On ressent l’influence du cinéma de David Cronenberg pour ce qui est des mutations de la chair. Nous avons mal pour Michael Rooker (et ses victimes). Horribilis garde une identité visuelle très forte, près de quinze ans après sa sortie. Les effets en réel n’ont pas bougé (a contrario des effets numériques qui font très datés) et contribuent grandement au dégoût que suscite le film. Le dégoût qui est très vite désamorcé par l’écriture de James Gunn qui rappelle à chaque seconde qu’on est devant son film, avant tout, pour se marrer. Parmi les séquences les plus honorables, on retiendra surtout celle de la grange qui unifie à la perfection tous les ingrédients du film. Le film est disponible depuis peu dans une superbe édition collector distribuée par ESC Distributions. La qualité d’image et de son écrasent l’édition DVD qui existait jusqu’alors. On redécouvre le film dans les meilleures conditions. De plus, l’édition est livrée avec quelques photos et un livret de 16 pages, enfermés dans un coffret digipack extrêmement beau et soigné. La section des bonus ravira également les fans du film puisque l’édition vient ajouter aux bonus déjà existants sur le DVD, un entretien autour du film ainsi que la genèse de ce dernier racontée par James Gunn himself. Encore un joli cadeau qui sort des bureaux d’ESC qui nous régalent énormément cette année.

James Gunn démontrait déjà tous ses talents avec Horribilis. Un goût assumé pour les divertissements décomplexés où plusieurs genres cohabitent jusqu’à atteindre leur paroxysme. Horribilis n’a pas peut-être pas rencontré le succès escompté par Universal (et quand on voit de quoi il en retourne, on ne s’en étonne même pas). Seulement, il aura permis de mettre en lumière un réalisateur au talent et aux ambitions fortes. Un destin qui n’est pas sans rappeler ceux d’autres grands réalisateurs comme Sam Raimi ou Peter Jackson qui ont débuté avec des films gores et décomplexés avant de nous pondre certaines des œuvres les plus majeures du cinéma des années 90 et 2000.

2 Rétroliens / Pings

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