Double Impact : J-C s’attaque aux Triades

Un peu plus d’un an après nous avoir gâté d’une très belle édition de Kickboxer, voici qu’ESC Editions reviennent à la charge avec un autre des films emblématiques de Jean-Claude Van Damme. Sorti à l’orée de ses heures de gloire, Double Impact fait parti des films avec Van Damme dont on ne se lasse pas. On y retrouve tous les ingrédients qui font un bon film de notre belge préféré : un scénario efficace, des combats violents et des chorégraphies précises, du gunfighting à foison et des dialogues teintés d’un humour léger et bon enfant. Van Damme cabotine dans tous les sens, en fait des caisses et ravit ses plus grands fans en offrant un double rôle diaboliquement charismatique. Carton au box-office français lors de sa sortie (1 743 544 entrées), il a été le dixième film le plus vu en France en 1991. Détenteur d’un record d’audience lors de sa diffusion à la télévision sur M6 en 1996, éclipsant les éditions spéciales sur la mort de Mitterand qui étaient diffusées sur les autres grandes chaînes, Van Damme peut se targuer d’être plus populaire que notre ancien président. Jean-Claude a également été nommé, grâce au film, dans la catégorie « Homme le Plus Désirable » en 1992 lors de la première édition des MTV Movie Award. Keanu Reeves lui est passé sous le nez, raflant le prix pour son rôle dans Point Break. Double Impact est donc un programme solide et reconnu, sorti récemment chez ESC dans une édition collector truffée de bonus et de goodies qui raviront ceux qui se sont donnés la peine de pré-commander l’objet.

Hong-Kong, 1966, Paul Wagner, un industriel, est assassiné, ainsi que sa femme, par la mafia chinoise. Leurs deux fils, Chad et Alex, des jumeaux âgés de quelques mois, échappent au massacre et sont séparés. 25 ans plus tard, Chad vit aux États-Unis avec Frank, l’ancien garde du corps des Wagner, et est devenu professeur de karaté. De son côté, Alex vit à Hong-Kong et mène une vie de malfrat. Chad, qui ignore tout de l’existence de son frère jumeau, et Frank décident de se rendre à Hong-Kong afin de retrouver Alex et, par la même occasion, s’allier avec lui afin de venger les parents des jumeaux.

Sheldon Lettich a beaucoup contribué à l’ascension de Jean-Claude Van Damme. Scénariste sur Karaté Tiger, Bloodsport et Rambo 3, il est passé derrière la caméra en 1990 en mettant en scène son scénario de Full Contact (autre grand rôle de Jean-Claude). Le coup de cœur avec Van Damme aura été immédiat dès Karaté Tiger et Lettich le retrouvera dans pas moins de sept films qu’il écrira et/ou réalisera. Non seulement Lettich peut se targuer d’avoir participé à presque tous les meilleurs rôles de Van Damme (Bloodsport, Full Contact et Double Impact), mais il est aussi celui qui nous a fait découvrir Mark Dacascos dans l’excellent La Loi du Plus Fort que nous vous recommandons chaudement. Sheldon Lettich n’est, cependant, pas un incontournable des films d’action. Bien que nous citons ses films comme des pierres angulaires de notre culture de cinéphile, il est à classer sur le haut rang des films d’action de seconde zone, un vrai acteur de nos années vidéo-club (et cette distinction n’a pas de prix à nos yeux). Et rien que pour toutes ces années de bonheur, Lettich gardera une place particulière dans notre cœur. En revanche, et s’il faut se montrer le plus objectif possible, Double Impact ne brille pas particulièrement par sa mise en scène. Lettich triche avec son montage pour nous faire croire à la présence des jumeaux sur le plateau, mais il faut avouer que les incrustations ont pris un sacré coup dans les dents avec les années. En revanche, pour ce qui est de filmer les combats, Lettich iconise sa star avec un savoir-faire détonant. Van Damme nous offre ses plus belles parades et nous gratifie de certains de ses plus beaux combats. On pensera notamment à son affrontement avec Bolo Yeung (qu’il avait déjà combattu dans Bloodsport) où il l’assaille de coups de pieds avec une dextérité majestueuse. Van Damme était vraiment au sommet de sa forme.

Double Impact montre également tout le respect et l’admiration que possède Van Damme pour le cinéma d’action hong-kongais. Il ne s’en est jamais caché et il tournera d’ailleurs avec les plus grands par la suite : il amènera John Woo aux États-Unis avec Chasse à l’Homme en 1994, il tournera trois fois pour Ringo Lam dans Risque Maximum, Réplicant et In Hell, et il offrira deux films à Tsui Hark avec Double Team et Piège à Hong-Kong. Double Impact est le film qui a été le déclencheur et l’appel direct aux réalisateurs susmentionnés. Van Damme, sous les traits d’Alex, marche fièrement dans les pas de Chow Yun-Fat et nous ramène au milieu de séquences de gunfightings tout droit sorti du Syndicat du Crime, A Toute Épreuve ou encore The Killer. Tout un pan du cinéma d’action hong-kongais qui a drôlement fleuri entre mi-80’s et mi-90’s. Alex est interprété comme un gros caïd, un homme sûr de lui et amateur d’armes à feu. Sans avoir la même prestance que son modèle de Hong-Kong, Van Damme semble investi d’une mission : toucher ceux qu’il admire coûte que coûte. C’est d’ailleurs en frappant à toutes les portes qu’il a réussi à percer à Hollywood. Sa marque de fabrique est telle dans le film, qu’elle ne dérange pas le moins du monde pour la simple et bonne raison qu’il transpire la passion. Van Damme ne singe pas, Van Damme est admiratif, c’est un amoureux. A contrario, Chad est un personnage beaucoup plus terre à terre et excentrique. Il incarne la démesure et la folie du système hollywoodien dans lequel Jean-Claude va se perdre au fil des années. Comme les deux faces d’une même pièce, Double Impact incarne à la fois les ambitions de cinéma de son acteur, ainsi que la réalité dans laquelle il s’est installé pendant des années et qui causera tous les déboires qu’on lui a connu ensuite. Grandeur et démesure (Chad) seront en perpétuelle dualité avec les nobles ambitions de l’acteur à vouloir être une humble star de films d’action (Alex). Si Van Damme décortiquera ses démons dans une catharsis magistrale dans JCVD en 2007, Double Impact faisait presque office de prémonition sur ce qu’il adviendra de lui les années à venir. Cependant, son appel au marché hong-kongais a porté ses fruits. Non seulement pour les collaborations que nous avons citées ci-dessus, mais également avec le remake de Double Impact qui sortira l’année suivante. Co-réalisé par Tsui Hark et Ringo Lam, Double Dragon met en scène Jackie Chan dans une comédie d’action terriblement efficace et qui a la même histoire que Double Impact. Van Damme avait été remarqué, et c’est tout ce qui lui importait.

Double Impact se (re)découvre dans une superbe édition disponible chez ESC. Il est loin d’être un film mineur dans la carrière de Jean-Claude Van Damme. En plus d’être un redoutable film d’action et une synthèse intéressante sur les ambitions et les futures frasques médiatiques de l’acteur, il est l’un des témoins de la fin d’une époque pour les films d’action sauce 80’s. La même année sortait Le Dernier Samaritain de Tony Scott et serait l’annonciateur d’un nouveau type de héros pour ce genre de cinéma. On verrait de moins en moins des héros indestructibles qui cognent sur tout ce qui bouge sans en récolter les conséquences. Les années 90 ont voulus des anti-héros, des personnages borderline qui récoltent ce qu’ils sèment avec des physiques un peu plus chétifs que les montagnes de muscles qu’étaient les Schwarzenegger et consorts. Cette nouvelle demande créera un sérieux passage à vide pour les stars des années 80. Et il faudra attendre Sylvester Stallone et ses Expendables pour nous rappeler qu’il fut un temps où les messieurs muscles dominaient le box-office du cinéma d’action. L’ère des anti-héros était devenu à la mode, bien qu’elle fut présente bien avant puisqu’un certain John Carpenter en avait fait son credo. Mais c’est un autre sujet…

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