Une Créature de Rêve : Quand les hormones dégueulent…

Il y a des noms qui évoquent immédiatement une sympathie hors-norme lorsqu’ils sortent au fil des discussions. John Hughes est probablement celui qui fédère tous les enfants des années 80 et 90, sans conteste. Homme aux multiples talents et casquettes. À la fois producteur, scénariste, acteur et réalisateur, il a officié sur un nombre incalculable de films qui ont marqué, à leur manière, l’histoire des divertissements familiaux. Il y a fort à parier que John Hughes figure quelque part dans votre DVD/Blu-Raythèque. Film culte sorti en 1985, Une Créature de Rêve est souvent cité parmi les incontournables de la filmographie de Hughes. Succès commercial retentissant, il a donné naissance à une série qui a fait les belles heures de France 2 au milieu des années 90, Code Lisa.

Gary et Wyatt sont deux adolescents sujets de moquerie à l’école et sans succès auprès des filles. En regardant le film Frankenstein, Gary a l’idée de créer une femme artificielle à l’aide de l’ordinateur de Wyatt. Le résultat est Lisa, une superbe jeune femme, qui s’avère très délurée et dotée de super-pouvoirs. Afin de les amener à se prendre en main et à retrouver confiance en eux-mêmes, Lisa entraîne les amis dans une suite d’aventures fantastiques et loufoques, qui incluent la quasi-destruction de la maison des parents de Wyatt, et un combat contre des motards mutants échappés de Mad Max 2 et de La Colline a des Yeux.

Aussi loin que l’on puisse chercher, nous n’avons jamais entendu quelqu’un dire du mal de John Hughes. Nous le respectons comme un papa spirituel. Il est de ceux qui ont forgé notre imaginaire cinéphile et ont créé des marqueurs forts dans notre construction en tant que personne. Qui ne s’est jamais senti plus fort après avoir vu The Breakfast Club ? Qui n’a jamais rêvé d’avoir un oncle aussi cool que peut l’être l’inoubliable John Candy de l’Oncle Buck ? Qui n’a jamais osé sécher les cours afin de vivre une grande aventure à la Ferris Bueller ? Qui ne ne souviens pas de Maman, J’ai Raté l’Avion ? Que ce soit devant ou derrière la caméra, à l’écriture du scénario ou à la production…on a tous un petit peu de John Hughes qui sommeille en nous. Une Créature de Rêve fait parti de ces films que nous avons adoré à l’orée de notre adolescence, à l’heure où nos hormones commençaient à travailler…période idéale en somme. On s’en souvient très nettement d’ailleurs. Le sourire ravageur de Kelly LeBrock dans sa tenue moulante. Le regard ahuri des deux héros devant leur création. Une revisite du mythe de Frankenstein avec des envolées fantastiques aussi improbables qu’hilarantes (ah, la fameuse métamorphose de Bill Paxton en créature immonde). Bref, un joyeux souvenir que nous nous hâtions de revivre grâce à la sortie en blu-ray distribué par ESC dans un nouveau master ultra propre. Il y a des souvenirs d’enfance qui devraient rester au stade de souvenirs… Que ce fut douloureux ! Et la douleur continue au moment où nous écrivons ces lignes parce que nous avons l’impression que nous allons blesser quelqu’un de notre famille. Que John Hughes nous pardonne depuis l’au-delà pour ce qui va suivre.

À la revoyure, Une Créature de Rêve synthétise un trop plein de ce que contenaient les autres films de Hughes. Des personnages à la libido débordante, des héros aussi intelligents que crétins, des vilains encore plus crétins. Jusqu’ici, pas de quoi ameuter les foules. En revanche, ce qui sidère et frappe vraiment fort, au point de nous faire sortir de nos gonds, c’est le discours sexiste, masochiste et machiste qui pullule à foison tout au long du film. S’il y a des films de la même époque qui utilisent les mêmes ressorts comiques et qui traversent plutôt bien les époques, Une Créature de Rêve subit douloureusement les ravages du temps. Le souvenir des rires francs et massifs laissent place à la consternation la plus déplorable. Il n’y a rien à sauver du film. Entre Kelly LeBrock (ex madame Steven Seagal) qui assume complètement sa condition de femme-objet et Anthony Michael Hall et Ilan Mitchell-Smith qui instaurent une notion de surjeu qui va au-delà des étoiles, il y a de quoi avoir la nausée. On se congratulera d’admirer les premiers pas d’un très jeune Robert Downey Jr. qui cabotine avec un plaisir certain. D’ailleurs, le duo qu’il forme avec Robert Rusler se montre infiniment plus intéressant que les deux têtes de flan qui nous servent de héros.

On sent que Hughes s’amuse nettement plus à développer ses seconds rôles. Il leur confère une énergie dont lui seul avait le secret et c’est bien le seul atout qui nous permet de tenir bon jusqu’au générique final. Et encore, tous les acteurs ne sont pas à sauver. Bill Paxton étoffe ce qu’il deviendra les années suivantes aux génériques de Aliens et Aux Frontières de l’Aube, respectivement réalisés par James Cameron et Kathryn Bigelow. Mais là où chez Cameron ou Bigelow, il jouit d’une précision intacte en proposant deux personnages à la folie bien distincte et contrôlée, il n’a plus aucun filtre en ce qui concerne son interprétation pour John Hughes. Bill Paxton est un brouillon ici. On se croirait devant un nanar de chez Troma Productions tant son jeu est risible. Ceci dit, s’il avait été question d’un film Troma, pour sûr que Bill Paxton aurait fait sensation. D’ailleurs, le tiraillement entre comédie familiale et film fantastique pur et dur se ressent tout le long. Il suffit de voir la scène où interviennent les antagonistes de Mad Max 2 et La Colline a des Yeux pour comprendre notre ressentiment. Quel intérêt y a-t-il à faire ressurgir des figures emblématiques de deux films de genre cultes pour ne rien en faire, si ce n’est de les citer explicitement ? Absolument rien. L’hommage (ou le pastiche, appelez ça comme vous voulez) de la séquence tourne au ridicule et est inutile au possible. D’ailleurs, on ne comprendra jamais vraiment le but des situations du film. Si le point de départ du film était séduisant, Une Créature de Rêve tombe dans la pire des platitudes dès l’apparition de Lisa. Circulez, il n’y a rien à voir !

Une Créature de Rêve est une comédie lourdingue, sexiste, machiste et terriblement dépassée. Sur les huit films que John Hughes a réalisé, il est vraiment celui qui a le plus souffert avec les années. Même son dernier film, La P’tite Arnaqueuse, probablement l’un des moins appréciés des fans, possède un discours tendre et superbe (notamment grâce à ses deux têtes d’affiche somptueuses) qui tient encore mieux la route que cette anomalie qu’est devenu Une Créature de Rêve. Pardonnez-nous nos offenses monsieur Hughes, mais nous vous préférons largement quand votre humour ne se base pas uniquement sur les blagues salaces et masochistes. Oh oui, il y a des souvenirs qui feraient mieux de rester des souvenirs…

1 Commentaire

  1. J’ai revu une créature de rêve hier soir.
    Ça faisait longtemps que je cherchais ce film que j’avais vu en VHS en 86 ou 87, quand j’avais 13-14 ans. J’avais été très marqué par ce film à l’époque car le thème proposait aux jeunes garçons de l’époque un rêve d’assurance en soi extraordinaire. Le film insère également de multiples références très importantes pour l’époque : Nike, Armani, Porsche, Ferrari… Bien sûr qu’une certaine forme de machisme se retrouve de ce film, mais ce machisme est le reflet des comportements de l’époque. Je note également que ce film propose en même temps beaucoup de transgressions qui ne pourraient être toléré à notre époque où le puritanisme genré se verrait bafoué. Bref ce film reste une icône des jeunes garçons des pays de l’ouest des années 80. Il faut le voir avec discernement et comme élément historique.

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