Seules les bêtes : Solitudes de l’être humain

Cinéaste éclectique et jamais vraiment là où on l’attend, Dominik Moll livrait en fin d’année dernière l’une des plus belles réussites du cinéma français de 2019 avec Seules les bêtes, adaptation d’un roman de Colin Niel paru en 2017. La sortie récente du film en vidéo le 1er juillet dernier chez Blaq Out permet de se pencher à nouveau sur ce fascinant thriller social aux nombreux virages inattendus.

En adaptant fidèlement le roman, Dominik Moll et son complice Gilles Marchand réussissent le pari de surprendre en adaptant une structure chapitrée pourtant ultra-balisée dans l’histoire de cinéma depuis longtemps. Leur scénario est d’une mécanique implacable, épousant le point de vue de leurs différents personnages tout en livrant, à chaque fois, des révélations sur ce que l’on a vu lors des séquences précédentes. Commençant comme un polar classique avec sa disparition d’une femme lors d’une tempête de neige, Seules les bêtes se mue peu à peu, à travers ses portraits de personnages esseulés, en véritable tragédie sociale, jusqu’à explorer la profonde solitude sentimentale de nos existences contemporaines à l’heure où Internet régit tout.

Difficile d’en révéler plus sur l’intrigue sans en gâcher la saveur mais on retiendra la virtuosité avec laquelle Moll (qui n’a pas son pareil pour créer une ambiance à la fois inquiétante et décalée) jongle avec tous ses personnages pour mener à bien son récit sans pour autant donner l’impression que le film est trop écrit. Au contraire, la façon dont chaque scène découle d’une autre est si fluide que Seules les bêtes n’a aucun mal à être le meilleur film du cinéaste, celui-ci étant arrivé à un beau niveau de maîtrise, conjuguant ses exigences narratives et formelles au sein d’un film particulièrement troublant.

S’appuyant sur un casting formidable (avec une mention spéciale pour un Denis Ménochet toujours aussi épatant), Dominik Moll fait donc preuve d’une belle aisance, nous baladant d’un causse enneigé à Abidjan sans jamais faillir à sa narration et nous fascine du début à la fin. Film puzzle, récit choral et portrait sans concession d’une humanité en détresse et en mal d’amour, Seules les bêtes est à découvrir d’urgence, ne serait-ce que pour le trouble qu’il nous provoque, bien trop rare dans le cinéma français actuel.

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