Notre-Dame du Nil : Ainsi soit-il Mon Père…

Après une sortie discrète au cinéma le 5 février 2020, Notre-Dame du Nil est disponible en DVD depuis le 17 juin 2020 édité par Blaq Out et distribué par ESC Distributions. Une édition technique avare en suppléments ne proposant seulement le film pour permettre sa découverte ayant peiné à attirer plus de 200 000 spectateurs à sa sortie en salles.
Le meilleur moyen donc pour rattraper la sortie malheureuse du film réalisé par Atiq Rahimi, sept ans après sa propre adaptation de son roman Singue Sabour – Pierre de Patience, film ayant contribué à l’éclosion de Goldshifteh Farahani dans le cinéma français. 

Ici Atiq Rahimi adapte le roman écrit par l’auteure, Scholastique Mukasonga, en partie basé sur son vécu en dépit d’une forme romancée. À travers l’histoire, on pénètre un prestigieux institut catholique « Notre-Dame du Nil », perché sur une colline, où des jeunes filles rwandaises étudient pour devenir l’élite du pays. En passe d’obtenir leur diplôme, elles partagent le même dortoir, les mêmes rêves, les mêmes problématiques d’adolescentes. Mais aux quatre coins du pays comme au sein de l’école grondent des antagonismes profonds, qui changeront à jamais le destin de ces jeunes filles et de tout le pays.
Nous sommes au Rwanda en 1973, loin sont encore les temps tragiques du génocide des Tutsi par les Hutu qui inspireront moult films et livres. Atiq Rahimi s’applique à filmer l’insouciance d’un groupe de jeunes filles, plutôt bourgeoise de leur état, percevant le futur qui les attend. Il n’y a ni groupe, ni religion, ni la moindre appartenance dans ce mélange de personnalités classiques et attendues.

Au fil des chapitres décidés par Rahimi (L’innocence, Le sacré, Le sacrilège et Le sacrifice), l’institut va devenir le reflet micro de la société rwandaise, propageant des idées, des réflexions, créant l’envie et la jalousie, des pêchés devenant capitaux dans le déroulé tragique de l’histoire. Face à Notre-Dame du Nil, on pense beaucoup à Papicha réalisé par Mounia Meddour sorti quelques mois plus tôt. La tragédie inévitable qui se joue délicatement devant nos yeux aux grès d’indices et d’événements humains inévitables déclenchés par la faiblesse de l’être. Les pêchés et les distorsions qui vont naître au sein du groupe attirant des répercussions extérieures fatales. Atiq Rahimi se montre pudique préférant se concentrer sur les conséquences psychologiques, l’après de ce que cette fiction amorce brièvement des événements de 1994.

L’institut avait réussi un tant soit peu à cacher les errements sociétaux d’un pays, ancienne colonie allemande, de se défaire des maux qui ont jugulé un pays jusqu’à l’éclatement bouleversant les contraignant toujours. Le devoir de mémoire est effectué, mais la douleur est encore palpable au sein du Rwanda actuel. D’où la douce introduction au touché de l’eau et à la voix paisible du peuple donnant l’esprit au film. Un nez, une bouche, deux tribus, un peuple qui se combat pour des différences mineures relevées sur Marie, sainte mère des peuples qui se voit offenser et témoin d’un affrontement barbare par le comportement puéril, bête et méchant, tel le reflet de tout mal édifiant de notre monde, l’humain comme poison mortel de l’idéalisme et l’insouciance d’un groupe qui ne demandait que la joie et la paix. Et cela en dépit de Dieu, témoin passif éternel.

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