Le jardin des Finzi-Contini : La fin de l’innocence

D’abord prévu pour une ressortie en salles le 15 avril dernier, Le jardin des Finzi-Contini peut enfin, depuis la réouverture des cinémas s’offrir à nous dans la meilleure copie possible et sort donc ce mercredi 22 juillet 2020 sous la houlette des Films du Camélia. Ce distributeur, dont le travail est toujours impeccable (et mériterait d’ailleurs d’être plus souvent mis en lumière) nous offre donc en ces beaux jours qui reviennent l’une des grandes réussites de la carrière de Vittorio De Sica qui, depuis les années 40 n’a eu de cesse de nous offrir des chefs-d’œuvre intemporels de l’histoire du cinéma.

Auréolé d’un Ours d’Or à Berlin et d’un Oscar du Meilleur Film en Langue Étrangère, Le jardin des Finzi-Contini est le dernier grand film de De Sica qui décédera en 1974, quatre ans après la sortie de ce film. A première vue, quand il adapte le roman de Giorgio Bassani, le cinéaste n’est pas le plus disposé à filmer cette bourgeoisie italienne de Ferrare qui vit percluse dans son immense demeure et pense qu’à rester dans son superbe jardin, le fascisme et l’antisémitisme montant de 1938 les épargneront. En effet, on aurait plus vu Luchino Visconti s’attaquer à ce récit tant il s’est imposé comme le cinéaste capable de filmer la décadence et la mort d’une bourgeoisie aveugle à l’extérieur. De Sica est plutôt le cinéaste des classes populaires comme il l’a montré avec Le voleur de bicyclette ou La Ciociara.

Et pourtant, Vittorio De Sica s’empare du roman de Bassani en se montrant totalement à l’aise. Il présente ici le jardin des Finzi-Contini comme un Eden érigé naïvement pour se protéger du reste du monde. Les jeunes personnages qui s’y rendent pour jouer au tennis, tout de blanc vêtus, respirent l’innocence et si le fascisme menace, Giorgio est plus préoccupé par ses sentiments pour la belle mais imprévisible Micòl que par les mesures de plus en plus restrictives et répressives contre les juifs. Tous les adultes du récit eux, semblent totalement étrangers à la marche du monde, en particulier les Finzi-Contini, incapables de voir leurs vies menacées et faisant preuve d’une triste passivité face à une violence de plus en plus présente.

Le film dessine ainsi le portrait d’une bourgeoisie sclérosée et montre combien la montée du fascisme a été aisée en Italie. Et tandis que les parents désemparés constatent que leur jardin ne peuvent plus les protéger, leurs enfants en paient le prix : malades, livrés à eux-mêmes, jetés en pâture vers la guerre, leurs sentiments amoureux compliqués semblent bien dérisoires. La force du film est de toujours faire planer la menace de l’antisémitisme de façon sourde, jamais la violence n’est montrée, elle est seulement suggérée au détour de quelques dialogues ou de la mise en scène de plus en plus pesante et de plus en plus sombre qu’opère Vittorio De Sica. En toute retenue, il n’épargne rien à ses personnages mais le fait avec délicatesse, captant chez ses acteurs (en particulier la sublime Dominique Sanda) la profondeur de sentiments complexes, d’une profonde mélancolie, bien plus forte que les mots. D’une beauté plastique saisissante, Le jardin des Finzi-Contini n’en demeure pas moins d’une tristesse insondable, marquant la fin d’une époque et d’une innocence à tout jamais perdue…

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