Chaussure à son Pied – Test Blu-Ray

Réalisateur : David Lean / Casting : Charles Laughton; John Mills; Brenda De Banzie; Daphne Anderson; Prunella Scales; Richard Wattis / Genre : Comédie / Compositeur : Malcolm Arnold / Date de sortie : 19 avril 1954 (Angleterre) / Durée : 1h44 / Pays : Grande-Bretagne /

Synopsis : Un maître bottier avare et ivrogne exploite sans vergogne le dévouement de ses trois filles et leur refuse la dot nécessaire à leur mariage. Mais c’est sans compter sur l’habileté des demoiselles.

Critique film :  Trouver «Chaussure à son Pied», traduction adéquate au titre original qu’est «Hodson’s Choice» en référence à Thomas Hodson, loueur de chevaux du 17e siècle en Angleterre qui donnait le choix à ses clients entre le cheval le plus proche de la porte de l’étable et pas de cheval du tout. David Lean image cette expression célèbre en Angleterre pour marquer l’opposition entre un père et ses trois filles qui souhaitent se marier avec les hommes de leurs choix. À ce dont s’oppose formellement le père, notable d’un village en périphérie de Manchester à la fin du 19e siècle, qui ne souhaite pas s’acquitter des dots. Une comédie typiquement anglaise signée par le grand David Lean en 1953. Un film méconnu aux côtés des pierres angulaires de la filmographie du metteur en scène de Lawrence d’Arabie ou de Docteur Jivago. Mais Chaussure à son Pied est un grand film. Une comédie au rythme infernal qui éblouit par la maîtrise formelle opérée par Lean. Le long-métrage est un moment pivot dans la carrière du réalisateur britannique. L’année suivante, il mettra en scène Katharine Hepburn dans Vacances à Venise puis il se mobilisera pour les besoins du Pont de la Rivière Kwaï avec Alec Guiness, son acteur fétiche.

Ainsi, Chaussure à son Pied est son dernier film dans sa période anglaise. Pour cela, il s’adjuge les talents de Charles Laughton, alors star internationale, qui vient cabotiner magistralement dans le rôle du père, Harry Hobson, ivrogne notoire et prospère bottier qui laisse la gérance de la maison et de sa boutique à ses trois filles. Mais quand celle-ci souhaite se marier, rien ne va plus. Si les deux cadettes restent en arrière, c’est Maggie l’aînée qui va se prendre en main pour se détacher de l’emprise infernale du père veuf. Le film s’échappe ainsi par un rythme soutenu nous permettant de ne jamais décrocher. Si Charles Laughton amuse, c’est Brenda de Banzie qui tire son épingle du jeu aux côtés de John Mills son futur mari dans le film. L’actrice imprègne l’écran par une force tranquille, un charisme relevant sa beauté imposante et captivante. Une femme de poigne intelligente sachant mener ses affaires avec détermination. David Lean, à travers ce personnage, disserte sur la libération de la femme post-Seconde Guerre Mondiale. La femme s’est émancipée pendant le conflit prenant la place de l’homme, alors au combat, au cœur de la société anglaise. Alors David Lean dessine le portrait d’une femme qui vole sa liberté à son père, puis se montre à sa mesure. Dans l’ombre de celui-ci toute sa vie, elle expose alors que le père Hobson ne serait rien sans elle, et avant cela leur mère, jusqu’à un final fort.

Dans ce film aux relents matriarcales, la femme est remise à sa juste place. Brenda de Banzie l’incarne avec brio, révélation d’une grande actrice anglaise sublimée par l’objectif d’un David Lean au point. Car Chaussure à son Pied ne serait rien sans la précision et l’instinct du réalisateur qui co-signe également le scénario. D’une introduction diégétique pointue ouvrant sur un Charles Laughton rentrant aviné accueilli par sa fille qui le couche jusqu’à la maîtrise idoine de l’espace dans des décors de studios, notamment le sous-sol où finisse par vivre Maggie & Massop ou la boutique/logement chez Hobson, Chaussure à son Pied est un modèle du genre. Tout est diablement bien réfléchi et orchestré dans ce grand succès public de l’époque, œuvre majeure du cinéma anglais des années 50 aujourd’hui réhabilitée par une édition juste de la part de Tamasa.

Test Blu-ray :

Date de sortie vidéo : 19 mars 2019

Informations Techniques : BD50 – Région : B / Encodage vidéo : Mpeg4 – AVC – Format cinéma :1.37 : 1 – Résolution : 1080p24 / Chapitrage : Fixe et musical – Menu : Fixe et musical / Langues : Anglais Dolby Digital mono 2.0 /Sous-titres: Français (non imposés)

Image : Chaussure à son pied a été restauré par le BFI National Archive en association avec Studio Canal et Optimum Releasing, financée par la Fondation David Lean. Une information a ne pas prendre à la légère, tant ce film, assez méconnu dans la carrière de son auteur, profite d’un rendu général de toute beauté. 
La copie proposée possède de belles nuances de gris, des contrastes bien équilibrés et des noirs profonds. Le rendu est appréciable et l’on profite agréablement d’un film que nous découvrons idéalement dans notre salon.
Le piqué général est fin, les différentes matières et textures bénéficiant ainsi le plus souvent d’une définition pointue, comme par exemple les séquences dans le sous-sol servant de domicile au couple Massop. La copie est propre et d’une stabilité irréprochable.
L’édition de Tamasa Classique permet de réhabiliter un grand film réalisé par David Lean en 1953.

Son : Tamasa n’insère que la seule piste originale anglaise sous-titrée en français. Pourtant le film est bien sorti à l’époque en salles en France, et donc doit profiter d’une version française. Dommage de ne pas ouvrir certaine horizon commerciale, et se contenter d’une seule piste VO, dont on ne doit pas attendre d’exploits avec du mono d’époque, proposée en Dolby Digital. 
Une piste qui fera malgré tout l’affaire, sans la moindre perte, comme le suggère la séquence aviné où Charles Laughton tombera dans la cave à grain pour y faire un beau somme. La piste présente des dialogues clairs, sans le moindre souffle.

Bonus Blu-ray (également disponible sur le DVD): 

Rencontre avec Norman Spencer : Collaborateur de longue date de David Lean, avec qui il a travaillé en majeur partie sur la carrière anglaise du célèbre réalisateur, l’homme revient sur son amitié avec l’homme et ses diverses collaborations. Spencer est producteur associé et co-scénariste de Chaussure à son Pied, revenant sur la production du film, les rapports entre les comédiens et David Lean, mais surtout sur la passion débordante de ce dernier pour la photographie. Un entretien intéressant permettant de mieux cerner le réalisateur de Lawrence d’Arabie et du Docteur Jivago.

Rencontre avec Prunella Scales : Si l’entretien coupe brusquement, on aura eu le temps de connaître le regard d’une jeune actrice d’alors, débutante avec Chaussure à son Pied, qui raconte gentiment son expérience sur 6 minutes.

L’Impossible Mr Lean : Dans la grande habitude des éditions Tamasa, Chaussure à son Pied profite d’un joli livret 16 pages reprenant la présentation faite par Eva Markovitz, critique de cinéma et organisatrice de festivals, à l’occasion d’un hommage à David Lean au Festival du Film de La Rochelle. Elle bénéficie de peu de pages, mais elle réussit à bien capter l’essentiel en analysant trois séquences cultes du cinéma de David Lean. Le livret permettra au moins de procurer l’envie d’en savoir plus, mais surtout de voir les films mentionnés.
Ainsi, le livret se conclut sur deux pages présentant la carrière riche de Charles Laughton. Idem ici, on aimerait avoir la possibilité d’en lire plus, mais on aura au moins une idée du monstre lequel nous faisons face lors de la projection du grand film qu’est Chaussure à son Pied.

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