Space Force – Saison 1 : Décollage au ralenti

Dire que l’on attendait beaucoup de Space Force était un euphémisme. Arrivée sur Netflix le 29 mai dernier, la nouvelle série de Greg Daniels (co-créée ici avec Steve Carell) avait tout le potentiel pour reproduire le succès de The Office et Parks & Recreation, deux séries chapeautées par Daniels. Or, si cette nouvelle plongée dans la bureaucratie américaine, étrillant cette fois l’administration Trump et ses obsessions stupides, réunit des ingrédients bien connus des amateurs des séries mentionnées plus haut (comédie de bureau mettant en scène des personnages déphasés et décalés), elle n’a pas encore tout à fait trouvé son ton, du moins dans cette première saison de dix épisodes.

Le pitch est pourtant particulièrement savoureux. Promu général avec quatre étoiles sur l’uniforme, Mark Naird aspire à de grandes choses… avant de se voir relégué à la Space Force, nouvelle lubie du Président (Trump évidemment, jamais ouvertement cité mais constamment référencé) qui entend coloniser la Lune. Naird se retrouve donc avec une équipe de bras cassés sur le dos et doit gérer son mariage en grande difficulté (sa femme est en prison pour on ne sait quelle raison), sa fille adolescente déboussolée d’avoir dû le suivre dans le fin fond du Colorado tout en faisant équipe avec le docteur Adrian Mallory pour mener à bien une mission difficile et risquée avec des impératifs de la Maison-Blanche qui n’a absolument aucune connaissance des ressources nécessaires à une telle mission spatiale.

Avouons qu’il y a de l’idée. Mais premier problème de la série, celle-ci a un constant décalage entre ses gags tels qu’ils sont écrits et joués et tels qu’ils sont filmés. Ici, la réalisation semble complètement aux fraises tant elle désamorce tout le tempo comique amené par l’écriture et le jeu des acteurs. Visiblement l’équipe technique est peu à l’écoute de l’essence même de la comédie : le rythme et l’on ne peut que regretter que Space Force n’ait pas calé sa mise en scène sur le même principe que The Office ou Parks and Recreation (caméra à l’épaule comme un documentaire) qui permettait énormément de rythme et d’interaction avec les acteurs. Question de rythme toujours, pour une série comique, le format de 30 à 35 minutes par épisode est tout simplement beaucoup trop long, faisant plus de mal qu’autre chose à une série déjà bien affaiblie par sa réalisation.

Le déséquilibre est d’ailleurs le principal défaut de Space Force : qu’il soit entre sa réalisation et ses acteurs ou même dans ses tonalités. Pendant toute la durée de la saison, la série semble ne jamais savoir sur quel pied danser quant à la façon de raconter son histoire. Un peu de satire politique par-ci, un peu d’absurde par-là, beaucoup d’humanité dans le tout, une véritable envie de se moquer de certaines situations tout en prenant ses personnages au sérieux, parfois on a du mal à s’y retrouver et à profiter du divertissement.

Mais en dépit d’une écriture semblant en perpétuelle recherche (comme celui d’Erin, la fille de Naird) et parfois en recyclage (Ben Schwartz encore en millenial insupportable), Space Force n’en demeure pas moins attachante de par ses personnages et ce à travers le véritable duo moteur de la série formé par Steve Carell et John Malkovich. L’un est un militaire obtus, mais conscient d’avoir hérité d’une place difficile, l’autre est un scientifique impliqué dans sa mission, mais désabusé face aux bêtises de la bureaucratie et de l’autorité. Constamment opposés, les deux personnages finissent évidemment par comprendre qu’ils ont besoin l’un de l’autre et leur histoire d’amitié se montre à la fois drôle dans leurs frictions et touchantes dans les moments où ils se rejoignent. Saluons à ce titre les prestations de Steve Carell (qui passé un épisode fait tout de suite oublier le Michael Scott de The Office) et de John Malkovich (particulièrement irrésistible ici) qui font tout le sel de la série et qui lui offre ses meilleurs moments là où de nombreuses ficelles narratives ont encore du mal à se trouver. Si l’on ajoute à ça le rôle secondaire, mais nécessaire de Lisa Kudrow et les jolies présences de Tawny Newsome et Jimmy O. Yang, on a là ce qui fait la plus grande qualité de Space Force, celles qu’on trouvaient déjà dans les précédentes séries de Greg Daniels à savoir une belle humanité chez ses personnages qui se serrent les coudes face aux situations difficiles.

Finalement moins méchante et cynique que prévu, maniant l’art des situations improbables sans pour autant en tirer le meilleur parti, distillant un attachement évident à ses personnages en dépit de son inégalité flagrante, Space Force a indéniablement de la puissance en réserve. Rappelons que les premières saisons de The Office et Parks and Recreation étaient loin d’être les plus réussies et qu’il leur a fallu une deuxième année pour devenir excellentes. C’est tout le bien que l’on souhaite à Space Force qui, pour l’heure n’a pas encore été renouvelée, et qui aura de beaux défis à surmonter en saison 2 si jamais elle y parvient.

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