La Rumeur : Le pouvoir du mensonge

Fasciné par Audrey Hepburn cette année, l’éditeur Wild Side, après avoir sorti une édition complète et définitive de Voyage à deux, nous offre cette fois-ci La Rumeur dans un combo Blu-ray, DVD et livre. Disponible dès le 24 juin, La Rumeur nous offre donc l’occasion de voir à nouveau Audrey Hepburn en haute définition et de (re)découvrir ce film plus que jamais d’actualité sur le pouvoir infamant du mensonge.

Quand il réalise La Rumeur en 1961, William Wyler sort du triomphe de Ben-Hur et souhaite revenir vers quelque chose de plus intime. Il se décide donc pour une nouvelle version de la pièce The Children’s Hour de Lillian Hellman qu’il a déjà porté à l’écran en 1936 avec Ils étaient trois. Mais à l’époque, censure oblige, il ne pouvait guère s’étendre sur l’homosexualité qui sous-tendait la relation entre les deux personnages féminins. Au début des années 60, si le Code Hays est toujours en vigueur, il est beaucoup plus facile d’aborder frontalement tout ça même si Wyler le regrettera par la suite, le cinéaste ne plaçant guère La Rumeur parmi ses films préférés, déçu qu’il ait pu croire que le désir d’un personnage féminin pour son amie pourrait encore être quelque chose de choquant dans la société des années 60.

Ce n’est cependant pas le désir de Martha pour Karen qui est au cœur du film mais bien la notion de mensonge et le mal qu’il peut faire, se répandant toujours plus facilement que la vérité. En effet, Martha et Karen tiennent un pensionnat pour jeunes filles qu’elles parviennent tout juste à garder à flot. Fiancée depuis longtemps, Karen compte épouser Joe mais ne l’a toujours pas fait pour se consacrer pleinement au pensionnat. Elle ignore cependant que Martha éprouve pour elle un véritable amour et qu’elle vit très mal l’idée que son amie se marie. Surprenant une dispute entre Martha et sa tante, plusieurs jeunes filles parlent des termes qu’elles ont entendues dont celui de contre-nature. Ni une ni deux, la petite Mary, véritable peste ambulante détestant foncièrement les deux femmes gérant le pensionnat, colporte à sa riche et influente grand-mère la rumeur que Martha et Karen entretiennent une liaison. Désormais lancée, la rumeur atteint toute la ville et alors que Mary persiste dans son mensonge en menaçant l’une de ses camarades, la vie de Martha et Karen bascule totalement et même le rétablissement de la vérité ne pourra changer les profondes blessures que l’événement leur inflige…

Un film tout à fait réjouissant donc que l’on déconseille fortement à ceux qui ont des allergies contre les sales gosses, les mensonges et l’injustice. La Rumeur est un film à l’acuité parfaitement déroutante, encore plus à notre époque où la moindre fake news et le moindre tweet sur les réseaux sociaux peuvent briser des vies et clouer des gens au pilori de la place publique. L’époque du maccarthysme n’a guère changé et c’est d’ailleurs en filigrane ce que dénonce La Rumeur, Wyler étant plus intéressé par le pouvoir infamant du mensonge que par le désir de Martha pour son amie. S’il est assez vif et pertinent dans son sujet, le film souffre néanmoins d’un accent un peu trop prononcé pour l’emphase et le drame théâtral. Certaines séquences sont ainsi diablement longues, débordant de dialogues plaintifs auxquels on finit par se désintéresser, tant à cause du peu de réactions des personnages permettant de susciter l’empathie avec eux que de l’injustice générale du scénario, le film étant, jusque dans son dénouement relativement déprimant.

Si l’on ne peut guère en vouloir au film d’assumer jusqu’au bout sa fin cruelle et si les acteurs sont tous formidables (Audrey Hepburn et Shirley MacLaine en tête, les deux ayant une belle alchimie à l’écran), force est de constater que La Rumeur est un film plombant que ses ressorts narratifs injustes finissent par clouer au sol, l’empêchant une certaine ampleur émotionnelle. C’est d’autant plus dommage que les deux actrices principales donnent tout mais Wyler semble passer à côté d’une certaine puissance du film. Cela n’empêche pas sa vision d’être étonnante de pertinence à notre époque et d’offrir une puissante réflexion sur les affres du mensonge, chose que devraient méditer bon nombre de nos contemporains…

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