A scene at the sea : Le bonheur à la plage

Voilà un moment qu’on l’attendait, depuis sa ressortie en salles en 2018 à vrai dire : A scene at the sea, le troisième film de Takeshi Kitano vient finalement rejoindre la collection de films du cinéaste édités par La Rabbia (après Kids Return, Hana-Bi et L’été de Kikujiro) dans une très belle édition Blu-Ray + DVD en Digibook, le tout agrémenté du CD de la bande-originale du film. Autrement dit, c’est un must-have pour les cinéphiles de tous poils disponible depuis le 18 juin dernier uniquement sur le site The Jokers Shop.

Un peu à part dans la filmographie du cinéaste, A scene at the sea est un petit bijou qu’il convient de redécouvrir afin d’en resituer l’importance. Déjà, dès son troisième film, Kitano s’éloigne de la figure des yakuzas qu’il a mis en scène avec malice dans ses deux premières réalisations et qui feront sa renommé internationale (avec le triplé gagnant Sonatine, Hana-Bi et L’été de Kikujiro). En prenant bien soin de ne pas se donner de rôle dans le film et en évitant toute dramatisation surfaite, il impose avec talent son style si reconnaissable. Si, à première vue, A scene at the sea n’a pas forcément l’air d’un Kitano (ici pas de violence, de flingues et de yakuzas), force est de constater qu’il en constitue pourtant l’essence de son cinéma.

L’histoire est simple : Shigeru (Claude Maki, véritable champion de surf), éboueur sourd-muet, découvre un jour une planche de surf endommagée dans les déchets qu’il doit jeter. Il préfère cependant la garder, la réparer et, mû par une nouvelle passion, décide de se lancer dans le surf, sous le regard bienveillant de sa petite amie Takako, sourde-muette elle aussi. Il ne se passe d’ailleurs quasiment rien d’autre dans le film : Shigeru surfe, Takako le regarde et admire ses progrès tandis que deux autres jeunes hommes, glandeurs un peu incompétents, décident eux aussi de se lancer dans le surf. Rien ici n’est dramatisé et Kitano construit son récit par petites touches, à la façon d’un maître impressionniste. On le sait, l’artiste est également peintre et c’est bien son sens fabuleux de la couleur qui donne toute son atmosphère au film, évidemment dominé par la couleur bleue. Le bleu azur de cette mer que la caméra n’approchera jamais de trop près, filmant toujours Shigeru surfer à travers le regard de Takako, celle-ci étant filmée en gros plan alors qu’elle le regarde tendrement, le soutenant dans cette soudaine passion sans pour autant totalement la comprendre.

Petit à petit, avec son rythme lent, ses plans fixes (rappelant la ligne claire du cinéma de Ozu) et sa superbe musique (composée par Joe Hisaishi dont c’est ici la première collaboration avec Kitano), A scene at the sea nous dépeint tendrement un univers bienveillant et nous attache à ses personnages dont nous ne saurons finalement presque rien. Ici, pas de success-story à l’américaine ou de chronique sociale. Le propos est ailleurs, dans ces morceaux de vie filmés avec énormément de tendresse, comme des captures d’un bonheur fugace dont le lieu-clé est la plage, très certainement l’endroit le plus fréquenté par les personnages de Kitano et sans conteste l’un des seuls où l’on peut s’y amuser et y oublier ses tracas, en face d’une mer que l’on peut admirer durant des heures sans jamais se lasser.

Ce film, invitation à se poser et à prendre son temps, est donc le bijou caché de son réalisateur, qu’il faut aller chercher pour en dénicher les trésors de délicatesse, sans à priori. A scene at the sea est donc le film indispensable de cet été et de cette période troublée, océan de zénitude absolue dans lequel il est bon de se plonger pour en apprécier la beauté et la pureté, tout simplement.

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