Artemis Fowl : Beaucoup de bruit pour rien

Mais qu’est-il donc arrivé à Kenneth Branagh ? C’est la question que l’on est en droit de se poser ces dernières années, le cinéaste étant passé de ses flamboyantes adaptations shakespeariennes (Henry V, Beaucoup de bruit pour rien, Hamlet) et de ses belles tentatives dans le genre (Dead Again, Frankenstein) à cachetonneur pour les grands studios, comme un grand nom que ceux-ci s’octroient sans que Branagh puisse insuffler la moindre personnalité dans ses films. Pour sa nouvelle collaboration avec Disney, voilà que le cinéaste se ramasse sur les bras l’adaptation d’Artemis Fowl d’après les livres d’Eoin Colfer, projet prévu depuis 15 ans et qui a enfin réussi à prendre vie sous la houlette de Branagh. D’abord prévu en salles, le film, suite à la crise du Covid-19 (et très certainement suite à des projections où tout le monde s’est rendu compte du résultat) a finalement débarqué sur Disney+ le 12 juin et le résultat laisse perplexe…

Difficile de voir comment Branagh a pu être emballé par le projet outre la possibilité de payer ses impôts tant le réalisateur cachetonne et ne laisse pas entrevoir la moindre dose de personnalité dans le film. Celui-ci n’est d’ailleurs ni plus ni moins qu’un produit conçu pour répondre à certaines attentes de producteurs visant un public cible précis sans se soucier d’autre chose que de cocher des cases dans une liste toute faite et utilisée à Hollywood depuis des années. Le fait que le projet date d’il y a 15 ans en dit long sur le résultat final. A l’époque, les droits des livres de Colfer ont été achetés car chaque studio voulait copier la Warner (qui touchait le gros lot avec Harry Potter, saga toujours copiée mais jamais égalée dans son genre) et avoir sa franchise pour pré-ados adaptée de sagas littéraires fantastiques. Nul doute qu’Artemis Fowl a été initié dans cette optique puisque le récit repose sur un héros de 12 ans, jeune prodige au nom prestigieux découvrant l’existence du royaume des fées.

Les livres, en mettant en scène un jeune héros criminel avaient de l’esprit et un certain sens de l’humour via ses personnages secondaires. L’adaptation qui en est tirée enlève toute l’insolence et tout le sel des romans pour aller vers un jeune héros beaucoup plus classique et beaucoup plus lisse, tellement fadasse qu’on ne peut s’empêcher de rire quand il déclare à la fin du film être un génie criminel. Artemis Fowl ne prend jamais en compte l’esprit de Colfer et pire, se montre incapable de la moindre once d’originalité. Non seulement il arrive effectivement avec 15 ans de retard sur le marché (tout ce qu’il s’y passe est vu et revu) mais la production ne fait même pas le moindre effort pour tenter de relever la barre. De la réalisation au production design, tout le film est d’une laideur particulièrement frappante, faite de fonds verts à la pelle par une équipe en pleine panne d’inspiration. Non seulement le film est affreusement moche mais il est aussi grossièrement écrit, avec des ficelles si énormes qu’elles feraient passer Marc Levy pour William Shakespeare. Du choix de narration au déroulement des enjeux, Artemis Fowl est un produit inerte, pensé sans le moindre respect pour le public d’aujourd’hui et sans la moindre once d’ambition.

Face au désastre général, le spectateur se retrouvera à peu près dans le même état que Judi Dench dans le film : l’air totalement perdu, comme embaumé et vidé du moindre souffle de vie. L’actrice traverse le film avec un visage qui en dit long sur le ressenti général. Et ni Colin Farrell en figurant de luxe, ni Josh Gad, acteur à qui l’on devrait dire un jour qu’il n’est définitivement pas drôle ne pourront rattraper le coup. C’est surtout dommage pour les jeunes Ferdia Shaw et Lara McDonnell qui se retrouvent embarqués dans cette galère pour des débuts de carrière s’annonçant difficiles, incapables de transcender leurs rôles tant ils sont mal écrits. Tout le casting se retrouve donc à tâcher de se dépêtrer de cette galère, entre répliques fumeuses et gags lourdingues et semblent hésiter à être embarrassés devant la caméra ou au contraire tâcher d’y aller à fond. Le fait est que Kenneth Branagh, qui avait tout de même su insuffler du style à son adaptation du Crime de l’Orient-Express, semble ici ne donner que son nom à une production de luxe calibrée sur des paramètres accusant des années de retard. Le spectacle qui en résulte est au mieux tout juste regardable, au pire désolant, parfait exemple de ce qu’Hollywood peut produire de plus insipide en cochant des cases prééxistantes.

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