Nous, les chiens : L’école de la vie

Parmi les nombreux films d’animation sortant chaque année dans nos salles, force est de constater que ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion d’en voir un provenant de Corée du Sud. Cinématographie très riche connaissant actuellement sa petite heure de gloire grâce à un certain Bong Joon-ho, cela donne très certainement envie à certains  distributeurs un peu plus aventureux que les autres de tenter des coups. Et concernant le cas de ce film en particulier, il s’agit tout simplement de The Jokers, les heureux responsables du succès de Parasite. Quoi qu’il en soit, ils nous proposent donc ici la découverte d’un film d’animation dont le point de départ pourrait tout aussi bien être celui d’un Disney d’antan, mais dont on se rendra très rapidement compte qu’il aura ses petites spécificités qui feront toute la différence.

Et dès les premiers instants, nous seront plongés dans un univers à la fois doux par ses couleurs et rude par ses thématiques. Nous y faisons la connaissance de Moong-chi, un chien emmené par son Maître en pleine nature, à priori pour un jeu anodin, sauf que l’on se rendra rapidement compte que ce n’était que l’alibi pour l’abandonner. Confronté à la solitude et à l’incompréhension face à ce geste, notre héros va très vite faire la rencontre d’un groupe de chiens ayant fait de la solidarité un leitmotiv pour survivre dans un monde cruel ne faisant que peu de cadeaux à nos amis les bêtes. Et l’on comprendra rapidement que le réalisateur, tout en s’adressant au plus grand nombre, ne prendra pas ses jeunes spectateurs par la main concernant les aspects les plus cruels du scénario. Car les chiens sont à la merci de la famine, et surtout de la méchanceté des hommes, dont un en particulier, qui sera l’antagoniste principal, et qui cherchera à leur faire du mal tout au long du film.

Porté par des protagonistes pour certains assez rudes à l’encontre de Moong-chi, le film est également fourni en personnalités très attachantes, notamment le petit groupe qui l’accueillera sans hésitation dans son repère. Cette douceur dans les traits et cette empathie constante, de la part des protagonistes mais également du réalisateur, aidera sans doute les plus jeunes spectateurs à s’accrocher et à être captivés tout du long, malgré les embûches parfois violentes qui se mettront sur le chemin de notre petit groupe.

Dans n’importe quel Disney classique mettant en scène des animaux humanisés comme c’est le cas ici, il y a une part de drame qui nous a tous accompagnés dans notre parcours d’apprentis cinéphiles. On se souvient tous de notre traumatisme face à la mort de la maman de Bambi, ou bien évidemment Le Roi Lion, avec la mort de Mufasa (oups, spoilers) ! Mais ces aspects sont toujours enrobés dans un emballage prenant bien soin à faire preuve du maximum de précautions, à commencer par des scénarios très lisibles, manichéens, aux personnages identifiés, les bons, les méchants, le bien, le mal, la morale, tout ce qui aide à accepter leurs aspects les plus difficiles à appréhender pour un jeune public, car au final, il s’agit toujours du bon côté qui l’emporte. On ne va pas vous vendre ici un film prenant tout ceci à rebrousse poils, et il est clairement destiné à un public familial. Cependant, là où celui-ci diffère avec les films plus classiques du genre, c’est dans le nombre d’évènements dramatiques survenant sur toute la durée. Là où chez Disney, il s’agit généralement d’une scène traumatisante pour les bambins, contre balancée généralement par des personnages rigolos apportant un peu de légèreté là où l’ambiance menace de plomber son audience, ce ne sera pas véritablement le cas ici.

Si le tout évite tout de même de se montrer trop sinistre, les scènes « chocs » sont bien présentes, parfois chargées en matière de force d’évocation, et on ne sent jamais de volonté de dédramatiser à tout prix par des éléments apportant joie et gaieté. On comprend bien que la mort rôde, que si quelqu’un meurt ou subit de la violence, c’est pour toujours et cela laisse des traces. Les enjeux sont réels, le danger est perceptible à chaque instant, et ce jusqu’à l’ultime image. Cela rend le film plus adulte que la moyenne, même si, répétons-le, il ne faudra pas craindre d’y emmener ses enfants, à partir de 6 ans. Car après tout, de petites discussions à l’issue de la séance, ne feront de mal à personne et aideront peut-être nos petites têtes blondes à appréhender plus facilement des sujets autrement assez difficiles à aborder.

Par le biais de la fable, et des personnages les plus facilement attachants pour un jeune public, le film aborde donc la solidarité, la méfiance, cette dernière n’empêchant pas de faire preuve de reconnaissance lorsque celui dont on a douté se révèle héroïque, et bien entendu une charge contre le bêtise de certains hommes. Mais jamais cette charge ne se transforme en discours moralisateur et excessivement anti humains. Elle ne fait que pointer des abus bien réels, mais dont on peut toujours espérer que cela cesse un jour, même si le chemin est encore long avant d’espérer rendre certaines personnes moins stupides. Quoi qu’il en soit, nous avons là l’exemple parfait d’un film destiné à la fois aux enfants et à leurs parents, dans lequel on pourra se retrouver à tout âge, en famille ou seul, car au-delà de la morale et de l’aspect faussement enfantin des traits, il s’agit d’un très joli conte initiatique, à l’animation très maîtrisée, entre 2D et 3D, et dont on espère de tout cœur qu’il saura trouver son public par chez nous. Ce qui ferait de son distributeur l’heureux détenteur de deux records, le premier film Coréen à dépasser largement le million d’entrées, et le premier film d’animation coréen à fonctionner. Avec peut-être là aussi, plus d’un million d’entrées au compteur, ce qui serait symboliquement assez fort. En 2020, votez canin ! Wouf !

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