Warning – Do Not Play : L’alarme fantôme

À l’occasion de sa sortie en VOD avant son édition vidéo le mois prochain aux éditions Wild Side, retour sur le second long-métrage inédit en France du très confidentiel Kim Jin-won, réalisateur sud-coréen responsable d’un premier film à priori assez délirant (le bien-nommé The Butcher, horror-movie au pitch racoleur mêlé de trash et de snuff) et qui revient donc cette année avec un objet filmique aussi intriguant qu’inefficace sur le plan émotionnel : Warning : Do Not Play, film de genre cultivant le post-modernisme avec un savoir-faire à la fois prégnant, mais complètement éculé dans le même mouvement.

Projet méta, aux confins de l’abstraction théorique et de la démonstration scolaire de petite volée, le second film de Kim Jin-won s’affiche d’emblée comme un authentique film-concept, s’inscrivant dans la continuité d’un certain cinéma d’horreur questionnant le genre et ses approches de regard – regard alimenté d’images exhumées, ressuscitées puis représentées sous nos yeux de cinéphages de plus en plus habitués aux visions extrêmes, gores et macabres en tous genres. Et si Warning : Do Not Play ne s’agit pas réellement (du moins pas uniquement) d’un found-footage pur et dur, il en reprend le sens du récit d’investigation et la forme du reportage (l’incontournable Projet Blair Witch est du reste cité par le réalisateur au cœur du métrage) nous présentant simultanément la fiction et la réalité comme deux entités indissociables.

Kim Jin-won parle ici de processus créatif, poussant son argument de la non-idée dans ses derniers retranchements : il présente sa protagoniste/héroïne (la jeune réalisatrice en herbe Mi-jung Park, faiseuse de films d’horreur en devenir planchant avec indolence sur son premier projet officiellement carriériste) comme une figure sous le joug du syndrome de la page blanche. Jeune femme devant concilier ses impératifs professionnels et son intérêt prononcé pour une légende urbaine relatant l’existence d’un film prétendument réalisé par un fantôme, Mi-jung va plonger dans un univers trouble au coeur duquel sa quête de fabrication va se confondre avec le footage préexistant…

Rarement un film contemporain s’en est tenu aussi strictement à son principe de mise en abyme que ce Warning : Do Not Play : ainsi le personnage de Mi-jung semble constituer l’alter-ego créatif par excellence de Kim Jin-Won, le titre du film imprécatoire est identique à celui du réalisateur coréen (en outre l’intitulé Warning : Do Not Play évoque l’idée de pièce et/ou de lecture intrinsèque à l’idée de représentation) et la conduction du récit alterne entre blocs d’images natives et blocs d’images mortes (found-footage). Si l’ensemble ne tient pas fatalement de la catastrophe ni même du mauvais film (certainement grâce à une cohérence et à un jusqu’au-boutisme forcément bienvenus ), la tiédeur visuelle de ce deuxième film et l’enchaînement d’effets de manche clairement dispensables en font un semi-ratage relatif.

Tout est, d’une certaine façon, dans la séquence d’ouverture : un plan d’ensemble baignant dans la pénombre d’une salle obscure et peu affluente se rapproche lentement (et au gré d’un long zoom avant) de Mi-jung installée au centre du theatron, en train de visionner le film titulaire réputé abominable en compagnie d’une poignée de spectateurs quasiment impassibles devant un écran situé hors-champ. Alors la caméra assigne un gros plan sur le visage de l’héroïne concentrée sur le spectacle, puis dézoome pour laisser paraître une salle finalement entièrement débarrassée des autres spectateurs, ces derniers ayant apparemment pris la fuite face à l’horreur du métrage… Tout est d’emblée ancré du côté de la distance et, de fait, dans l’absence d’émotions fortes : même paniquées et traumatisées par l’ignominie de ce film-fantôme, les figures déserteuses semblent – à l’image de la couleur dominante du film de Kim Jin-won – apathiques et froides. Un film correct, intelligent certes, mais exsangue de saillies sensitives.

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