The Hunt : God bless America

Il était dit que ce film ne pourrait être vu dans les conditions pour lesquelles il avait été conçu. Depuis son report pour cause de polémique due à une énième tuerie de masse aux États-Unis (soupirs résignés), on attendait sans trop d’enthousiasme une éventuelle nouvelle date de sortie, ce qui était prévu pour ce mois d’avril avant qu’un certain virus dont nous tairons poliment le nom ici, ne fasse des siennes et ne scelle (définitivement ?) le sort du film concernant une exploitation salles de par chez nous. Car le film a bien eu le temps de sortir dans son pays d’origine, avec au final un bel échec comme il était écrit. Si dans un premier temps, la première réaction fut évidemment la frustration à l’idée de ne pouvoir savourer un B bien gras en salles, la vision du résultat conforta finalement l’oeuvre dans son statut de divertissement taillé pour une soirée bien calé sur son canapé, éventuellement avec la pizza et la bière de rigueur. Seulement, 2020 n’est pas une année comme les autres, et Universal a visiblement décidé d’être joueur sur ce coup-là, puisque depuis l’annonce de la réouverture des salles le 22 juin, avec le flot de sorties (ou ressorties) annoncées dans la foulée, ces derniers ont décidé de tenter une sortie sur grand écran pour le film qui nous intéresse. Le texte qui suit, s’il a été conçu à la base dans l’optique de découvrir le film chez soi en période de covid, pourra peut-être motiver les derniers réfractaires à le tenter dans les conditions optimales pour lesquelles il avait été conçu à la base.

Avec son pitch voulu comme subversif, on se trouve ici devant le parfait prototype de l’œuvre de son temps, se servant des maux de son pays pour foncer dans le tas avec un air goguenard, sauf que comme on le sait malheureusement depuis un bon bout de temps, toute vérité n’est pas bonne à dire, et encore moins à entendre, et il sera toujours plus rassurant de taper sur de la fiction que de remettre en cause des valeurs antédiluviennes. Jugez plutôt. Un groupe d’individus se réveille en pleine nature, étant tous bâillonnés et se retrouvant très rapidement chassés sans comprendre de quoi il retourne. Très rapidement, eux comme nous comprendrons qu’ils sont l’objet d’une chasse à l’homme organisée par de riches individus voulant à priori se divertir en traquant des sudistes tels des gibiers. Bien entendu, tous ne se laisseront pas si facilement faire, à commencer par une femme plus coriace que le reste du groupe, mais bien entendu tout ne sera pas si gratuit que ce que l’on pouvait penser de prime abord …

On se souvient de Donald Trump s’offusquant de la méchanceté d’un film réalisé par des gauchistes bien-pensants, et des accusations diverses et variées à l’encontre du film, concernant sa récupération malsaine et déplacée de toutes les tueries survenant aux États-Unis chaque année. Un réflexe toujours bien pratique lorsque l’on veut éviter de se regarder dans le miroir, qui se trouve être utilisé un peu partout dans le monde, qui consiste à accuser le cinéma (mais aussi les jeux vidéos) de tous les maux de la société au lieu de chercher les raisons sociologiquement un peu plus profondes que ce simple état de fait. Forcément, un film mettant dos à dos bouseux jugés par réflexe tout de même assez fondé comme étant adeptes des armes, et pas très futés, et élites libérales se croyant à la pointe des évolutions sociétales, mais ne faisant que tomber dans la démagogie la plus rance, le film n’y va pas avec le dos de la cuillère, et énonce quelques vérités toujours bonnes à entendre. Cependant, là où l’on pouvait attendre un véritable réquisitoire sans pitié bousillant tout sur son passage sans jamais s’excuser, il deviendra assez vite évident qu’il n’osera pas s’aventurer au-delà d’une certaine limite, et qu’il se contentera finalement d’enfoncer pas mal de portes ouvertes en prenant garde à ne jamais prendre position, au-delà de quelques dialogues ne faisant que dire ce que tout le monde sait depuis longtemps.

On entendra donc que l’Américain moyen est fasciné par les armes, s’appuyant systématiquement sur son droit constitutionnel à posséder une arme pour pouvoir se défendre comme unique argument, et que du même coup, ceux qui sont dans le film considérés comme les méchants de l’histoire, ne font finalement que se reposer sur le même droit à posséder des armes pour s’amuser un peu. Le serpent qui se mord la queue, en quelque sorte, sauf que jamais le film n’ira pas plus loin que ces affirmations certes toujours amusantes à entendre, surtout de l’extérieur, mais semblant très rapidement prêcher auprès des convaincus. Le film ne changera pas le monde, les imbéciles seront toujours des imbéciles, et pendant que les gens censés continueront à se désoler des innombrables victimes de cet état de fait, les mêmes personnes continueront à vociférer de plus belle pour affirmer à quel point il est plus que jamais indispensable d’être armé, pour être paré à riposter en cas d’attaque.

Une fois que l’on a compris, très rapidement donc, que le film sera loin du tract provocant qui serait capable d’engendrer de vrais débats constructifs, reste le plaisir finalement assez primaire, mais pas désagréable, à savourer une série B hargneuse et sanguinolente, riche de moments à la fois violents et hilarants, mais dont on aperçoit très vite les coutures, et dont le manque d’envergure de la mise en scène comme de la mise en images, la cantonne finalement à un simple petit plaisir du samedi soir, qui n’aura pas franchement de résonance au-delà de ça.

Malgré un déroulement pas si prévisible que ça, notamment dans le sort réservé à une grosse partie du casting que l’on pensait tout d’abord central, ainsi que dans les motivations de la « méchante « dont nous ne dévoilerons rien si ce n’est qu’elles touchent là aussi à des aspects peu reluisants de notre société prompte à juger sans se rendre compte des éventuelles conséquences quiconque tiendrait des discours n’allant pas dans le sens du poil ;  non, contrairement à ce que scande fièrement l’affiche française du film, il ne s’agit pas d’un film fou et malsain, ou encore inapproprié, mais d’une toute petite chose qui, un peu à l’image de la saga American Nightmare, ne parvient pas vraiment à tirer tout le potentiel d’un postulat pourtant très prometteur. Mais en ces temps de confinement mondial, il peut au moins prétendre atteindre au statut pas honteux du tout de petit plaisir éphémère mais réel. Alors on saura s’en contenter, sur le moment.

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