Les éblouis : Fuir l’obscurantisme et vivre

Injustement oublié à la dernière cérémonie des Césars (et en même temps, il faut voir l’allure que la cérémonie avait, ce n’était guère fameux), Les éblouis est pourtant une œuvre forte sur l’aveuglement religieux dénonçant les dérives sectaires. Sa sortie en VOD depuis le 31 mars dernier, en attendant une sortie vidéo un peu plus tard dans l’année, permet donc de découvrir le film dans toute sa puissance.

Une puissance d’autant plus forte que le film est inspiré du propre parcours de sa réalisatrice. Sarah Suco, comédienne discrète mais toujours juste découverte dans Discount, livre ici sa première réalisation avec un regard évidemment intense sur le sujet puisque de l’année de ses 8 ans à celle de ses 18 ans, elle a vécu avec ses parents et ses frères et sœurs dans une communauté charismatique, d’apparence bienveillante en façade, mais profondément farouche au monde extérieur, pétrie d’idées et de principes aussi stupides que dangereux.

Pas étonnant dès lors que le film se focalise avant tout sur Camille, l’aînée de sa famille, adolescente de 16 ans qui a bien du mal à comprendre comment ses parents peuvent se laisser entraîner dans cette communauté qui refuse que Camille continue son école de clown. On devine la mère fragile psychologiquement, en besoin de soutien (étonnante Camille Cottin) tandis que le père ne fait que preuve d’une lâcheté sans vergogne en suivant le mouvement (Eric Caravaca, une fois de plus impeccable). Seule Camille et un de ses frères semblent questionner le bien-fondé des actions de la communauté dont la salle de prière cache bien des vices et dont les incessants rituels ne sont qu’un écran de fumée pour duper les plus naïfs (et en même temps bêler pour faire venir le Berger de la communauté, incarné par un glaçant Jean-Pierre Darroussin, devrait mettre la puce à l’oreille que tout ceci n’est pas normal.)

Film nécessaire sur les dérives sectaires, véritable cri d’alarme et de colère envers ces communautés qui font le mal en prônant le bien (et encore, de son propre aveu, Sarah Suco a édulcoré tous les éléments du récit par rapport à la réalité), Les éblouis est un film difficile à regarder tant il agace par l’aveuglement permanent des personnages, des adultes qui semblent dupes de tout et que l’on a envie de gifler pour les réveiller. Mais le film est aussi, et surtout, le portrait lumineux d’une jeune femme qui se débat au milieu de tout ça pour s’en sortir, qui veut se sortir de là, vivre normalement et expérimenter l’amour. Saluons en ce sens l’interprétation complexe et intense de Céleste Brunnquell qui se sort haut la main d’un rôle difficile et très nuancée auquel elle apporte énormément. Une jeune actrice à suivre assurément tout comme Sarah Suco est une réalisatrice à suivre tant le film a une puissance sourde dans sa mise en scène, jamais ostentatoire, toujours très délicate, n’ayant pas peur d’aller chercher loin les émotions de ses personnages. Nul doute que la vision de ces éblouis a de quoi remuer mais en ces temps où l’on nous donne du prêt-à-penser partout, il est bon de se rappeler qu’on peut (qu’il faut) oser s’affirmer et se sortir du cadre nuisible où l’on nous enferme trop facilement.

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