Mine de Rien : Au Nord, c’était les corons…

Mathias Mlekuz a fait ses premières armes en tant qu’acteur. Nous l’avons aperçu dans des films tels Pola X de Léos Carax, Brice de Nice de James Huth ou encore Les Brigades du Tigre de Jérôme Cornuau, pour ne citer qu’eux. Avec un CV relativement étoffé entre ses multiples rôles au cinéma et à la télévision, on ne l’attendait pas forcément derrière la caméra. Pourtant, son envie de revenir sur ce qui a fait le fleuron de la région Nord Pas-De-Calais, sa région d’origine, aura eu raison de ses ambitions. Il n’en fallait pas plus que la crise des gilets jaunes et ses influences de comédies sociales britanniques (The Full Monty en tête) pour donner l’élan nécessaire à Mlekuz afin d’écrire son film. Mine de Rien sonne terriblement actuel dans les questions économiques et sociales qu’il soulève. Le film est sorti dans nos salles quelques semaines avant l’épidémie de COVID-19 qui sévit sur notre pays. Affublé du Prix du Public au Festival du Film de l’Alpe d’Huez 2020, il partait avec un faire-valoir positif compte tenu de la notoriété qu’a le festival sur la renommé des comédies qu’il récompense. Quelques 106 000 spectateurs ont eu la chance de voir le film en salle avant la fermeture des cinémas. Un score faible pour un démarrage difficile malgré un sujet fort. Sa sortie avancée sur nos plates-formes VOD devrait, on l’espère, lui accorder la visibilité qu’il mérite.

Dans une petite commune du Nord de la France où le chômage est le quotidien d’un bon nombre d’habitants, l’ancienne mine est sur le point d’être démantelée. Voulant sauvegarder le dernier bastion de leur patrimoine, des dizaines d’ouvriers décident de tenir un siège devant l’usine. Devant l’ultimatum de la maire qui menace de les exproprier, ils décident de transformer l’ancienne mine en parc d’attractions.
Emmené par un casting cinq étoiles, Mine de Rien n’a rien à envier aux meilleures comédies anglaises auxquelles il fait terriblement écho. La pauvreté, la survie de chacun sont des fléaux qui ne sont pas exclusivement réservés aux autres pays (malheureusement). Avec ce premier film, Mathias Mlekuz dresse le portrait de personnages drôles et touchants. La force de son film réside en ses personnages plus qu’au sujet auquel il s’attaque. Nous nous prenons immédiatement d’affection pour ces héros ordinaires qui vont se battre pour égayer leur quotidien triste et pauvre. Et du talent, il y en a à la pelle dans ce film.

Arnaud Ducret, loin de ses facéties habituelles, étonne et donne le meilleur de lui-même dans un rôle aux multiples casquettes. C’est un père de famille meurtri par la disparition de son propre père, son divorce difficile à encaisser entre une ex-femme qui le renie et deux enfants qui semblent prendre le même chemin et la gestion de sa maman atteinte de la maladie d’Alzheimer (interprétée prodigieusement par une Hélène Vincent pleine de grâce et de malice). Toujours juste dans ses propos, le comédien atteint un niveau de jeu impérial et prouve qu’il n’est pas qu’un excellent comique. Arnaud Ducret est la vraie bonne surprise du film. Le rôle du comique de la bande est laissé avec justesse à Philippe Rebbot. Incarnation parfaite du père de famille en pleine crise de la cinquantaine qui n’hésite pas à tromper sa femme à tour de bras afin de faire profiter les copains de ses histoires croustillantes. Et puis, il y a de vraies gueules dans le film, ces acteurs de patrimoine qu’on prend toujours plaisir à voir jouer. Le nom de Rufus au casting nous suffit amplement pour accorder notre capital sympathie à Mine de Rien. Ce dernier incarne un ancien mineur têtu et encore ancré dans ses luttes passées. Il donne merveilleusement la réplique et ponctue le film de plusieurs gimmicks succulents. Quel plaisir de constater à quel point il est toujours aussi épatant du haut de ses 77 ans. Et n’oublions pas les seconds rôles superbement écris et interprétés avec justesse. Côté casting, c’est un véritable sans-faute. Mine de Rien fonctionne parce que son casting y croit et qu’il est la vraie force du projet.

Mathias Mlekuz nous convainc de ses talents de scénariste, c’est certain. En revanche, sa réalisation peine à sublimer l’ensemble. S’il est persuadé que ses comédiens sont à la hauteur, ce n’est pas une raison pour négliger le reste du film. Mine de Rien offre de très jolies séquences où les symboliques du deuil transcenderont l’image. On pensera notamment à Hélène Vincent dévastée derrière sa fenêtre en train d’admirer son fils assis sur le carrousel construit par son défunt mari sur fond de Mon Vieux de Daniel Guichard. Une séquence poignante qui englobe tous les éléments réussis du métrage. Tout y est amené avec délicatesse et sensibilité, on y croit et on frissonne tant l’émotion est palpable. En revanche, Mine de Rien ne sera pas exempt de maladresses où certaines séquences sombreront dans un pathos un poil forcé et téléphoné. Rien de bien grave pour autant, l’ensemble se tient parfaitement pour lui excuser ses erreurs (premier long-métrage ne l’oublions pas). Seulement, à trop vouloir que le spectateur s’attache impérativement à la lutte des héros, Mlekuz n’évite pas les poncifs du genre. Certaines séquences seront superflues, certains dialogues trop appuyés et nous ferons quelque peu sortir du projet. Mine de Rien ne grossit jamais le trait comique, voilà pourquoi toutes les vannes fonctionnent. Mine de Rien grossit l’urgence. Bien qu’elle soit compréhensible, elle rend certaines situations grossières et improbables (l’évasion de la maman de son centre hospitalier, la maire qui use et abuse de chantage…). Seul vrai point noir au tableau, on ne va pas bouder les superbes qualités mises en avant un peu plus haut, mais on ne pouvait pas nier ses quelques imperfections.

Mine de Rien est un premier long-métrage plein de bon sens aux thématiques douloureuses et actuelles. Porté par des comédiens prodigieux et un optimisme contagieux, le film de Mathias Mlekuz mérite une visibilité bien plus importante que le peu d’existence qu’il a connu dans nos salles.

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