Le lieu du crime : Rendez-vous en terre sauvage…

Retour sur Le Lieu du Crime de l’incontournable André Téchiné, à l’occasion de la sortie Blu-Ray et DVD le 11 mars 2020 par le distributeur Carlotta d’un film pour le moins déconcertant, sorte de faux polar tenant lieu dans le Sud-Ouest français des années 80. À partir d’un scénario à la fois très intriguant et pas mal invraisemblable rédigé à six mains (par Téchiné lui-même puis co-écrit par les jeunes Pascal Bonitzer et Olivier Assayas ), le réalisateur de Barocco puis des futurs Roseaux Sauvages signe donc en 1986 un drame bucolique empreint de mystère et de nombreuses zones d’ombres, témoignant néanmoins de quelques jolies qualités, mais tout à fait inégal in fine.

Suite à un générique à la fois séduisant et expéditif (les noms des postes les plus importants défilent au gré de la belle composition de Philippe Sarde, dévoilant peu à peu un article de journal provincial relatant la fraîche évasion de deux jeunes garçons…) André Téchiné construit son premier acte autour de la figure du jeune Thomas (Nicolas Giraudi), préadolescent détenteur d’un violent et terrible secret et incompris par ses parents et ses grands-parents. Durant les 45 premières minutes Téchiné parvient à éveiller notre curiosité voire même nous captiver en ménageant les informations d’un récit trouble, certes relativement laborieux, mais habilement amené car au diapason d’une mise en scène fluide et plutôt maitrisée, dans la tradition d’un certain cinéma d’auteur à la française évoquant les films champêtres et estivaux du mésestimé Jean Becker (on songe beaucoup au contemporain L’été Meurtrier au regard du Lieu du Crime, puis parfois aux plus récents Les Enfants du Marais et Dialogue avec mon Jardinier).

Rapidement le cinéaste français instaure une atmosphère ambigüe, multipliant les pistes narratives tout en jouant la carte du drame familiale renvoyant directement à son lénifiant Souvenirs d’en France, simulacre de film historique proche de la saga plombante et surfaite de bout en bout. On suit donc une étrange enquête policière sans coupable ni victime clairement définis (on distingue pourtant le binôme en cavale représenté par les personnages de Luc et de Martin suivi de près par la jeune Alice interprétée par Claire Nebout ; en outre l’ombrageux Thomas – petit mythomane en quête de justice – semble accuser le sort d’un imbroglio criminel) ni même réelle figure d’autorité (il faut attendre les vingt dernières minutes du métrage pour entrevoir la présence des forces de l’ordre et autres dignitaires judiciaires). Tout semble à la fois confus et désarçonnant dans ce film au titre ineptement indicatif, peu accessible mais fidèle aux manières de l’auteur de Rendez-vous

Cinq ans après Hôtel des Amériques, André Téchiné convoque à nouveau Catherine Deneuve, égérie surcotée du tout-venant auteuriste français qui campe ici une femme déchirée entre son fils Thomas, son ex-mari (Victor Lanoux, assez remarquable en patriarche furibond) et le jeune Martin. La présence de l’actrice laisse malheureusement présager un fâcheux sentiment de cache-misère artistique, l’icône emblématique de Bunuel tenant ici la fonction de l’alibi culturel pur et simple. Tout n’est pas à jeter dans Le Lieu du Crime (une première heure qui tient la route, la présence de Danielle Darrieux et de Jacques Nolot au générique, une très belle photographie dans l’ensemble…) mais l’agencement général du métrage s’avère en définitive honteusement raboteux et désarticulé, nivelé vers le bas durant un troisième acte pas loin d’être incompréhensible. Un cinéma lourd, sonnant faux dans la théâtralité de ses situations et ses afféteries, preuve que la co-écriture d’un scénario n’est pas forcément synonyme de brillance ni d’efficacité. Bancal et inabouti.

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