Hunters – saison 1 : Que la chasse commence !

Depuis le succès de Get Out, Jordan Peele, s’il prend le temps de s’atteler à ses réalisations, a surtout multiplié les projets en tant que producteur, notamment à la télévision. A l’origine d’une nouvelle version de La Quatrième dimension l’année dernière, son projet le plus alléchant avec la casquette de producteur (exécutif cette fois) était cependant Hunters, série centrée sur un groupe de chasseurs de nazis dans le New York des années 70. Avec un pitch qui fleurait bon la série B et la présence du grand Al Pacino au casting (sa présence dans un rôle récurrent à la télévision remontant à la mini-série Angels in America), autant dire qu’on avait de quoi se lécher les babines. La série étant arrivée en grande pompe le 21 février dernier sur Amazon Prime Video, on se penche sur cette première saison composée de dix épisodes.

Hunters commence de façon absolument réjouissante. Homme politique influent, Biff Simpson organise une garden-party quand un de ses collaborateurs lui présente sa compagne. Celle-ci reconnaît Simpson immédiatement comme l’un des bourreaux nazis qui officiait dans le camp de concentration où elle était prisonnière pendant la guerre. Ni une ni deux, l’ex-nazi désormais grillé s’empare d’un flingue et dézingue tout le monde dans son jardin, y compris sa femme et ses enfants pour protéger son identité. Voilà la scène inaugurant la série, laissant espérer que le jeu de massacre qui va suivre devrait être résolument violent et sans avoir peur de pousser le bouchon trop loin.

Problème, le restant du pilote (qui dure 1h30) se concentre sur Jonah, jeune homme dont la grand-mère, rescapée des camps de concentration, est assassinée. En proie au deuil, Jonah est approché par Meyer Offerman, vieux millionnaire qui était dans les camps avec sa grand-mère et qui lui fait part de son projet : la Chasse, celle aux anciens nazis réfugiés en Amérique en toute impunité (et avec l’aide du gouvernement américain lors de l’opération Paperclip, déjà relatée dans un fameux épisode de X-Files) et que Meyer et son groupe assassinent sans remords. Encore une fois, une belle idée sauf que la série prend appui sur Jonah dont les doutes, tiraillements moraux et incapacités de décision viennent carrément plomber toute la première partie de saison tant le jeune homme (incarné avec conviction par Logan Lerman) se montre pénible et la série bien prompte à le suivre dans ses atermoiements.

De là découle le paradoxe de Hunters, jamais assez réjouissante pour être la pure série B violente espérée, jamais assez maîtrisée pour être le drame humain voulu. La série se retrouve ainsi généralement le cul entre deux chaises, avec de savoureuses idées lorgnant clairement du côté du cinéma d’exploitation (le plan des nazis pour un Quatrième Reich, les quelques scènes de torture, le casting de gueules réunis pour jouer les méchants du fielleux Dylan Baker à la sensuelle – et trop rare – Lena Olin en passant par l’inquiétant Greg Austin, américain plus nazi quand les nazis) mais n’essaye jamais de gommer les drames se cachant derrière les motivations des chasseurs, embrassant allègrement toute la souffrance des personnages.

Il aurait cependant fallu une meilleure alchimie (et un meilleur rythme, 1 heure par épisode c’est trop) pour arriver à l’équilibre voulu par la série et finalement jamais complètement atteint. Quand elle n’en fait pas trop dans le délire bis de son concept et quand elle se concentre sur ses personnages (avec une mention spéciale pour le couple émouvant formé par Saul Rubinek et Carol Kane), Hunters parvient cependant à nous donner un bel aperçu de ce qu’elle aurait pu être si elle avait été chapeautée par un scénariste plus rigoureux. En l’état, elle est assez déséquilibrée, notamment dans l’écriture de tous ses personnages, certains chasseurs étant charismatiques certes (Josh Radnor tout de suite plus classe avec une moustache, Louis Ozawa) mais sans véritable épaisseur psychologique, servant plus de pions narratifs qu’autre chose. La palme revient au personnage de l’agent du FBI Millie Morris, découvrant l’existence de ces chasseurs de nazis et décidant de les coffrer coûte que coûte dans un bel élan de stupidité.

Le cœur de la série est finalement dans la relation unissant Jonah à Meyer (Pacino forcément impeccable dans un rôle étonnant) puisque Meyer sert de figure paternelle à un Jonah en manque de repères mais incapable de déceler la violence intérieur rongeant son mentor. C’est cependant entre les deux que le fil se noue tout au long de la saison, menant vers un final pour le moins surprenant qui pourrait bien conduire la série vers quelque chose de plus intéressant pour sa saison prochaine. Sans être foncièrement déplaisante (elle se regarde avec un intérêt certain et on ne cache pas le plaisir qu’on a à voir des nazis se faire cramer les testicules ou être forcés à manger des excréments), Hunters manque véritablement de panache et de rigueur pour être la série que l’on espérait, ses efforts d’impertinence étant soit trop timides soit mal placés. On espère donc que la suite sera à la hauteur de la promesse tenue dans le pitch de la série, il faudra en tout cas qu’elle sache se réinventer si elle veut nous captiver pour les dix prochains épisodes…

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