Un Divan à Tunis : Une comédie particulièrement juste

Un Divan à Tunis est une comédie franco-tunisienne écrite et réalisée par Manele Labidi et mettant en scène l’actrice franco-iranienne Golshifteh Farahani dans le rôle principal. Le casting est entièrement tunisien à l’exception de l’actrice principale et le tournage s’est déroulé en majorité en Tunisie. Pour faire simple, Golshifteh (Selma Derwish dans le film) retourne à Tunis, sa ville natale où elle espère pouvoir y ouvrir son cabinet de psychologue. Son aventure la heurte a de nombreux aléas auxquels elle ne s’attendait pas et y découvre la vie tunisienne à travers ceux-ci.

Le film se place dans un contexte actuel, après la révolution tunisienne où les esprit se libèrent, les mentalités ont changé et le pays est plus ouvert. On y découvre donc une Tunisie plus nuancée, plus romancée que la réalité, mais avec ses petits démons bien présents tout de même. On y voit donc des tunisiens bavards comme jamais, des fonctionnaires jamais à leur poste, des policiers fermes mais peut-être plus compréhensifs, en sommes un pays avec une multitude de personnages bien différents et très caractérisés. Ainsi les événements du film sont clairement romancés mais développés de manière très vraisemblable. On se dit qu’à quelques raccourcis nécessaires près, ce scénario pourrait tout à fait devenir réalité.

Avec ces petits traits de folie et de comédie, Manele Labidi nous offre une comédie dramatique au ton parfaitement juste. Un mélange parfait entre l’humour et la crédibilité des événements qui surviennent. On frôle, avec Un Divan à Tunis, la qualité des comédies dramatiques anglaises. Finalement ce divan devient vite un personnage à part entière où l’on voit défiler une multitude de personnages bien différents proposant une diversité très rafraîchissante dans ce Tunis en fin de compte assez crédible. Un panel de situations qui tend à dédramatiser les différents débats. La question du voile devient alors quelque chose dont les français se préoccupent plus que les tunisiens eux-mêmes.

La place de ce divan met quelques temps à devenir légitime. Pendant une partie du métrage, la présence d’une psychologue à Tunis paraît aussi ridicule qu’inconcevable. Ce serait la première fois qu’une française décide de venir en Tunisie pour y travailler et non l’inverse. C’est le sérieux de cette situation qui permet d’avoir ce sentiment de satisfaction en voyant la variété des situations qu’un si simple concept peut proposer. Tout prend une dimension beaucoup plus humaine et comique. On propose aux tunisiens de venir parler, il ne leur en faut pas plus pour saisir l’occasion. C’est cet objet qui finit par donner le rythme et rendre au scénario cette profondeur.

L’actrice principale quant à elle offre une prestation absolument remarquable. Non seulement elle est une excellente actrice, très talentueuse, mais en plus elle possède cette prestance qui la cloue comme véritable chef d’orchestre de ce long métrage. Une critique revient cependant assez souvent la concernant, prétendant qu’elle ne sourit pas assez, cela ternissant sa beauté naturelle. Il faut savoir que le long métrage est construit exactement sur les codes du western. Selma est le cow-boy, le policier le shérif, la coiffeuse le barman et les enjeux sont absolument identiques à ceux d’un western classique dans un contexte différent. Ainsi Selma n’a pas besoin de sourire. Faire sourire son personnage serait la rendre naïve, secondaire. Cela montrerait un personnage qui se laisse dévorer par la ville et ses habitants, qui compte sur son charme pour attendrir son auditoire. Elle n’a pas besoin de montrer ses émotions, elle n’est pas là pour cela. Au contraire, le ton impassible de son visage donne toute sa profondeur au personnage. Un retour assez étrange, en quoi un personnage féminin qui ne sourit pas n’est pas un bon personnage ? Sans aller jusqu’à dire que cette remarque est sexiste, elle pose tout de même encore et irrémédiablement la question de l’image de la femme au cinéma. Laissons vivre les personnages tels qu’ils doivent le faire, si un personnage féminin qui ne sourit pas vous déplaît, sortez vos plumes et écrivez vous-même le-dit personnage à votre convenance, mais cessez une bonne fois pour toute de continuer à alimenter des clichés superflues.

Un Divan à Tunis s’expose donc comme la comédie surprise de ce début d’année. Une vision beaucoup plus positive de la Tunisie que ce qu’on a l’habitude de voir, au travers d’une histoire très amusante s’attelant à détruire de nombreux clichés de tous bords. La réalisation est honnête, un certain jeu de hors champs interne et externe permet quelques petites pirouettes visuelles intéressantes. On se plaît à regarder cette histoire défiler devant nos yeux. Dans l’espoir que l’exploitation en salle offre à ce long métrage une certaine visibilité.

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