Rabid : Un film à mettre en quarantaine

Auréolées d’une petite réputation dans le milieu du cinéma de genre depuis American Mary, les sœurs Soska travaillent depuis leurs débuts un cinéma organique, connecté à la chair et au corps. Pas étonnant dès lors de les trouver aux commandes d’un remake d’un film de David Cronenberg, elles qui travaillaient déjà depuis un moment des thématiques similaires à celles du cinéaste canadien expert dans les transformations de la chair. L’idée n’était pas déplaisante, Rage étant fortement ancré dans son époque sans pour autant mal vieillir, le film traversant les années avec la même efficacité (et que The Ecstasy of Films a ressorti cette année dans une très belle édition Blu-ray). On ne pourra malheureusement pas en dire autant de ce remake, présenté Hors-Compétition à Gérardmer.

Les sœurs Soska n’ont guère changé l’intrigue principale. A la suite d’un accident de moto, Rose subit une greffe expérimentale pour reconstruire sa chair meurtrie. Dès lors, elle développe un appétit carnassier et une excroissance étrange sous l’aisselle. En s’en prenant aux gens dans des moments qu’elle croit hallucinatoires, elle leur transmet un virus étrange, comme une sorte de rage améliorée qui ne tarde pas à se propager dans toute la ville…

On ne va pas se mentir, le potentiel est là. Et pourtant le film ne cesse de se tirer des balles dans le pied en permanence, semblant s’amuser à être foncièrement mauvais. Il suffit de voir le premier plan de Rabid pour s’apercevoir de sa qualité : tout y est laid. Le budget certainement léger du film peut expliquer ce dénuement artistique mais même avec peu de moyens, on peut éclairer une scène correctement et apporter de la profondeur de champ à un plan. Ici tout ressemble à un cruel film amateur, aussi bien sur le plan formel (tout semble plat dans cette photographie dégueulasse) que sur les autres. Que le scénario puisse injecter un peu d’humour dans le récit, passe encore mais encore faudrait-il pouvoir en maîtriser la tonalité. Ainsi, on ne sait pas si l’on doit rire ou pleurer devant ce médecin tendant un miroir à une Rose défigurée avant de lui dire qu’elle devrait éviter son reflet ou devant un autre médecin monologuant pendant cinq minutes sur l’épidémie qui se déroule pour mieux nous l’expliquer au cas où nous ne l’aurions pas compris.

Bizarrement, Rabid cumule toutes les erreurs à ne pas faire dans un film et deviendrait presque un cas d’école. Il parvient d’ailleurs très vite à faire oublier la moindre comparaison avec l’œuvre originale de Cronenberg. Nous ne sommes plus simplement face à un mauvais remake, nous sommes tout bêtement face à un mauvais film, flirtant carrément avec le Z. On se demande honnêtement comment les réalisatrices ont pu regarder le produit fini et le valider : la direction d’acteurs est aussi risible qu’embarrassante, la mise en scène manque de vision (que veulent bien vouloir dire les réalisatrices ?) et le film se vautre dans les pires clichés quant à la caractérisation des personnages. C’est d’autant plus dommage que les sœurs Soska, ferventes admiratrices de Cronenberg qu’elles citent ici à tout bout de champ (on trouve çà et là dans le film des clins d’œil au Festin nu ou à Faux-Semblants) ont pourtant eu l’idée de concentrer le récit sur Rose, sa vie personnelle et sa vie professionnelle, chose que le film original ne faisait guère, délaissant vite le passé du personnage pour mieux monter au créneau dans l’explosion de ses nouvelles pulsions (filmées comme des actes sexuels, rien de tout ça ici, juste des petites morsures et des contaminés ressemblant à des zombies). Le fait de creuser Rose en la faisant travailler dans la mode ne manquait pas de piquant et aurait pu amener un vrai quelque chose.

Manque de chance, les moyens mis à disposition ne sont pas à la hauteur des ambitions et les ambitions elles-mêmes ne semblent pas être en adéquation avec l’intention initiale du projet. Rabid se retrouve donc à fréquenter le pire de ce que le cinéma peut faire et c’est d’autant plus amer qu’il avait pas mal de points pour réussir. Cet échec sur tous les plans, à la fois risible et affligeant prouve bien toute la différence qu’il y a entre un grand cinéaste et les autres sur la base d’un pitch similaire…

1 Commentaire

  1. Moi j’ai trouvé le film plutôt bien ficelé. La seule chose invraisemblable est que le docteur de la clinique ( où il s’est passé des meurtres et donc la rage) n’est pas inquiété par la police. D’autant que Rose ne revenant pas puisque prisonnière du docteur, ne cause pas de soupçon vis à vis des forces de l’ordre. On suppose donc une suite de ce film que j’attendrai avec plaisir pour voir comment le réalisateur, scénariste va pouvoir nous surprendre !

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