La voie de la justice : Se battre pour la vérité

L’inégalité permanente frappant la communauté afro-américaine, en particulier dans les états du Sud des Etats-Unis, n’est pas nouvelle et a même déjà inspiré de nombreux films. La voie de la justice s’impose cependant comme un douloureux rappel montrant combien ce genre d’histoire arrive en permanence et combien un homme tel que Bryan Stevenson est rare et précieux.

Basée sur une histoire vraie, La voie de la justice s’assure de cette façon d’avoir toute l’empathie du spectateur et de la rallier à sa cause. Le film est centré sur les débuts en tant qu’avocat de Bryan Stevenson, brillamment diplômé de Harvard et qui décide de s’installer en Alabama afin de défendre les condamnés à mort qui n’ont pas eu le droit à un procès équitable. En Alabama, on peut quasiment dur qu’aucun afro-américain n’a le droit à un tel procès puisqu’il s’y trouve encore des juges capables de regarder un homme dans les yeux et de le déclarer coupable simplement parce qu’il a une tête de criminel. C’est là-bas que Bryan rencontre Walter McMillian, condamné à mort pour avoir assassiné une jeune femme. Mais en jetant un œil au dossier, la condamnation de Walter est plus que douteuse : l’accusation repose sur le témoignage d’un criminel à qui la police a mis la pression pour qu’il mente, plusieurs témoins non-entendus étaient avec Walter au moment du meurtre et le seul policier ayant voulu contester les dires du témoin s’est fait virer… Cette omerta, préférant condamner un innocent plutôt que de coincer un véritable coupable, scandalise Bryan qui va tout faire pour que la vérité éclate.

On le connaît par cœur ce genre de film avec son injustice absolument aberrante, ses difficultés à faire bouger un système judiciaire sûr de ses acquis et son dénouement rempli de larmes. Destin Daniel Cretton, conscient qu’il n’a pas le monopole de l’originalité, ne semble pas faire quoi que ce soit pour absolument bouleverser les codes du genre et s’applique au contraire à mettre en scène le récit avec le plus d’efficacité possible. La voie de la justice remplit donc tous les codes du genre et souffre d’un sérieux manque de recul sur le personnage de Bryan Stevenson, celui-ci étant dépeint comme un saint, faisant son travail par sens de la justice, prêt à tout pour son client. Le film évite ainsi soigneusement de poser certaines questions pratiques comme la façon dont il a pu se rémunérer et ne nuance absolument pas le personnage, clairement idolâtré par tous ceux qui croisent sa route et qui partagent sa conviction.

Loin de nous l’idée de remettre en question le bien-fondé des actions de Bryan Stevenson et de douter de son implication concernant ses clients mais il est vrai qu’un peu plus de recul et de nuance auraient été bienvenus, ce qui aurait permis de nous attacher au personnage, ici inatteignable car bien trop parfait pour que l’on s’y identifie. Le prisme du personnage de Brie Larson aurait pu être un angle intéressant mais le scénario n’en fait rien et tandis que Michael B. Jordan prend un air solennel tout le long du film, c’est à Jamie Foxx (et même Tim Blake Nelson dans une certaine mesure) que l’on doit le plus gros de l’émotion du récit. Foxx se montre en effet bouleversant dans le rôle de cet homme innocent à qui l’on a tout pris, y compris la vérité. La partition est classique mais Foxx le joue avec une belle puissance dramatique sans trop en faire et permet ainsi à La voie de la justice de s’élever un peu au-delà de son classicisme bien trop appliqué pour pleinement convaincre. L’histoire est puissante et méritait d’être racontée, c’est indéniable. Difficile aussi de dire que le film contient beaucoup d’idées de cinéma. Mais il est suffisamment bien emballé pour nous embarquer avec lui et nous faire ressentir la brutalité de l’injustice qu’il raconte. Ce qui est déjà bien mine de rien.

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