La Valse de l’Empereur : récréation autrichienne

On ne remerciera jamais assez Rimini Editions de nous gâter régulièrement en éditant en Blu-ray et DVD des pépites de la filmographie de Billy Wilder. Après Le Poison, l’éditeur continue donc son exploration de la filmographie de Wilder dans les années 40 avec La Valse de l’Empereur, disponible depuis le 19 novembre dernier.

Seule incursion du cinéaste dans le genre musical, commande réalisée pour le crooner Bing Crosby, alors énorme vedette, La Valse de l’Empereur a toutes les allures d’une récréation dans la filmographie de Wilder. En effet, après être retourné en Europe à la fin de la guerre, découvert que de nombreux membres de sa famille étaient morts en camps de concentration et réalisé un court-métrage d’images d’archives sur les dits camps, Wilder s’empresse étrangement de réaliser ce film en le situant dans l’empire d’Autriche qu’il a connu durant son enfance. S’il y a peut-être la volonté de revenir à une époque en apparence plus idyllique (les décors autrichiens recréés au Canada, magnifiés par le Technicolor, sont superbes), il ne faut surtout pas y voir de la nostalgie mal placée de la part du cinéaste, bien au contraire.

Malin, Wilder a toujours su subvertir les genres auxquels il s’attaque et à travers cette comédie romantique entre un commis voyageur américain venu en Autriche vendre un phonographe à l’Empereur et une comtesse guindée dont le caniche de race doit faire des petits avec celui de l’Empereur, c’est aussi toute une critique de la monarchie figée de l’époque qu’il effectue au passage. En effet, tous ces nobles semblent figés dans une époque, incapables d’en sortir et l’Empereur lui-même affirme que personne dans le royaume ne souhaite du changement, tout le monde étant bien trop attaché aux vieilles traditions, ici bouleversées par l’américain plein de vie. Vieilles traditions et vieilles façons de penser (on ne mélange surtout pas noblesse et roturiers, du côté des humains comme des chiens) qui auront facilité la précipitation de l’empire, le film le sous-entend clairement, dans les troubles de la seconde guerre mondiale et dans l’ombre du fascisme.

Cette grille de lecture, affirmée par certaines lignes de dialogues et quelques séquences sans équivoque, passe cependant au second plan du récit, celui-ci se rangeant essentiellement dans les clous du genre en s’intéressant à la détestation cordiale puis à la romance naissante des deux personnages. Il y a dans La Valse de l’Empereur quelque chose du cinéma de Lubitsch, grand maître de Wilder. En effet, comme chez Lubitsch, le film se déroule en Europe parmi des gens aisés et les sous-entendus sexuels y sont légion. Ainsi on se régalera de l’histoire d’amour entre les chiens des protagonistes, servant à illustrer de façon plus crue celle entre Bing Crosby et Joan Fontaine, riche idée de scénario purement lubitschienne !

Difficile donc de bouder cette comédie assez irrésistible, cette gourmandise légère (mais pas trop), coincée dans des films plus sombres de la carrière de Wilder. Si l’on ne comprend pas forcément l’animosité que Wilder nourrira à propos du film (moins on lui en parlait, mieux il se portait, le réalisateur ayant connu des difficultés sur le plateau avec Crosby, star capricieuse), on peut tout de même lui concéder un léger manque d’aisance sur les morceaux musicaux et surtout une œuvre qui marque moins fort que les autres, surtout dans des années 40 aussi prolifiques pour le cinéaste. La Valse de l’Empereur n’en demeure pas moins intéressant pour ce qu’il permet de raconter de la filmographie de son réalisateur, décidément capable de verser dans tous les genres avec une aisance étonnante.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*