Gloria Mundi : Une famille, son passé, ses malheurs…

« L’apogée de la domination est atteint lorsque le discours des maîtres est tenu et soutenu par les esclaves. » (Agrippa Menenius)

Robert Guédiguian cite ce patricien romain du début de la République Romaine, consul en 503 av J.C, pour argumenter sa note d’intention, démontrer l’évolution presque nulle de l’état humain par sa pensée. Forcément, les technologies – donc le progrès – en ont masqué une partie, et encore le dépouillement de l’histoire du monde dévoile le contraire.
Bref, Guédiguian se focalise sur une famille recomposée aussi fragile qu’un château de cartes. On ne s’en aperçoit pas dès le départ, en dépit d’une brebis galeuse mise en évidence dès la première séquence. En soi, la naissance de la petite Gloria, elle qui nous ouvre la porte au cœur de ce film, se veut vibrante et dénonciatrice. Dénonciatrice d’une situation oppressante pour les petites gens au quotidien difficile. Entre une mère qui fait des ménages la nuit tout en s’opposant à une grève de ses collègues qui la fustigent de collaboration avec les patrons et un père chauffeur de bus pour la ville de Marseille à la routine qui le plombe à trois ans de la retraite. Puis il y a Mathilda qui vient d’accoucher et s’accroche à sa période d’essai sans grand espoir. Son mari, Nicolas, qui se lance comme chauffeur UBER avec un crédit sur le dos pour la voiture. Reste alors la demi-sœur, Aurore, qui est en ménage avec Bruno, joli entrepreneur/arnaqueur à la drogue facile, qui a monté une franchise de Cash Express avec succès dans les quartiers pauvres de Marseille.

Au cœur de cette petite troupe fragile débarque Daniel, ex-compagnon de Sylvie la mère, père de Mathilda. C’est par ce personnage que le spectateur tente de s’accrocher pour examiner le développement des conditions de vie moderne entre anciens qui se débattent et jeunes générations qui s’enfoncent dans la misère, sans espoir de lendemain, car «  La vie c’est de la merde ».
Daniel sort de prison et retourne sur Marseille pour voir sa petite-fille, Gloria. Il est le brin d’air poétique pendant que tout le reste lutte pour tenir debout. Robert Guédiguian écrit sur les aléas de la vie : une agression, le manque d’argent, la jalousie et le profit… Le réalisateur français se prend pour Ken Loach. Déjà dans son précèdent film, La Villa en 2017, il questionnait le monde avec une famille aux prises avec la question des migrants. Là, il ausculte la société française, mais surtout l’humain retranché qui ne peut lutter. L’humain dans ses pires travers entre rapports abusifs, jalousie fraternelle et méchanceté.

Gloria Mundi est un film noir sans la moindre bulle de décompression. Il n’y a aucun personnage auquel s’accrocher. On pense à Daniel, mais son parcours est trop balisé et prévisible pour convaincre. Il est là comme une feuille morte au destin pré-écrit, sans la moindre ambition autre que le tragique. On pense alors aux parents, Richard et Sylvie, qui finissent par nous assommer entre bonté, idiotie, naïveté (au volant) et le retour sur un passé se souhaitant bouleversant, mais qui ne fait qu’ajouter un pathos pénible au film.
Gloria Mundi est une fausse note. Rien ne fonctionne à force de se vouloir artisan du drame et de la dénonciation. Le film manque de pudeur, d’une pédagogie permettant au spectateur de respirer. Le film naît d’un espoir pour finir en point de non-retour totalement idiot qui embarrasse, à défaut d’embraser notre cœur. Robert Guédiguian se rate fatalement sur un sujet pourtant de circonstance. Mais le propos manque d’une remise en question évidente et d’un regard salvateur de cinéma.

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