Autopsie d’un meurtre : Test Blu-ray

Réalisateur : Otto Preminger / Casting : James Stewart, Lee Remick, Ben Gazzara, Eve Arden, George C. Scott / Genre : Drame judiciaire / Compositeur : Duke Ellington / Date de sortie : 1er juillet 1959 (sortie US) / Durée : 161 minutes / Pays : Etats-Unis

Synopsis : Paul Biegler, avocat blasé qui passe plus de temps à la pêche que dans les tribunaux reçoit un appel de Laura Manion qui le sollicite pour défendre son mari. Ce dernier, le Lieutenant Frederick Manion a assassiné celui qui avait violé sa femme. Le procès débute, mais rapidement la situation se complique. D’un côté, les témoignages ne concordent pas avec les faits, d’un autre, le Lieutenant Manion ne coopère pas… Face à cet imbroglio, Biegler aura bien du mal à déceler les réelles motivations du meurtrier, de sa femme et de la victime…

Critique film : En 1959, Otto Preminger a acquis une belle indépendance artistique. Devenu producteur de ses films, il est à même d’imposer ses choix de casting (quand Lana Turner, prévue pour le rôle de Lee Remick, voulut imposer les robes de son couturier personnel en dépit du bon sens, Preminger refusa alors que le studio était prêt à céder) et les sujets qu’il aborde. D’où la surprise, pour un film de cette époque, d’entendre les mots  »viol »,  »culotte »,  »pénétration » ou encore  »sperme » aussi ouvertement prononcés.

De fait, avec Autopsie d’un meurtre (basé sur un roman lui-même basé sur un fait divers), Otto Preminger réalise là l’un des meilleurs films de procès du cinéma américain, décortiquant habilement les rouages de la justice où il ne suffit pas de connaître la loi pour gagner un procès, il faut aussi être en représentation perpétuelle et c’est souvent à celui qui livrera la meilleure performance devant le jury que revient la victoire. Ayant commencé au théâtre, Preminger filme ainsi le tribunal comme une scène de théâtre, laisse de l’espace aux acteurs, colle au plus près des visages quand il le faut et souligne sans cesse, par le jeu subtil de ses comédiens quand une réplique vient enfoncer le clou.

Le fait divers intéresse d’ailleurs Preminger seulement dans une certaine mesure. On ne sera jamais certain que la femme de Manion a réellement été violée comme on aura de gros doutes quant au soi-disant moment d’impulsion irrésistible du lieutenant Manion au moment de commettre le meurtre. Non, ce qui intéresse ici et qui se trouve au cœur du film, occupant près d’1h40 du récit (la première heure, plus lente, se concentre sur l’enquête menée par James Stewart), c’est bien le procès. Le film, à l’écriture parfaitement ciselée et à la mise en scène irréprochable (comme toujours chez Preminger, elle est discrète et n’en fait jamais trop mais vise juste) est alors une radiographie lucide de la justice américaine, qui ne s’opère pas seulement sur des faits mais aussi sur une représentation de chaque instant devant les membres du jury, les juges et les avocats. Preminger met alors en scène avec une véritable gourmandise les affrontements incessants entre l’avocat joué par James Stewart et le procureur joué par George C. Scott. Quand l’un pose avec malice une question mal placée à laquelle le témoin répond mais que le juge demande aux jurés d’oublier (chose évidemment impossible) ou que l’autre cache le témoin de la vue de son avocat, c’est presque une arène que filme le cinéaste où la vérité et la justice comptent moins que la joute verbale se jouant entre les deux parties.

Ce regard lucide sur un fait divers pourtant loin d’être extraordinaire permet au cinéaste de braver la censure et de faire preuve d’une étonnante modernité. Qu’il rende diablement aguichant le personnage de Lee Remick ou trouve le moyen de parler de culotte dans un tribunal, Preminger est tout à fait à l’aise avec le sujet et réalise là l’un de ses meilleurs films, celui d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens, ne laissant rien au hasard, abordant là un sujet encore d’actualité mais qui n’a jamais été aussi bien traité au cinéma depuis. Un sacré tour de force pour un classique à ne manquer sous aucun prétexte.

Date de sortie vidéo : 30 octobre 2019 chez Carlotta Films

Informations Techniques : Master Haute Définition – 1080/23.98p – AVC – Version Originale DTS-HD Master Audio 5.1 et 1.0 – Sous-titres français – Format 1.85 respecté

Test Blu-ray / DVD :

Image : Pour cette édition, Carlotta part d’un master 4K effectué par Sony en 2012. La qualité, si elle est forcément au rendez-vous, est tout de même légèrement datée et l’on perçoit quelques défauts, notamment sur l’épaisseur du grain. Cela reste cependant du travail de qualité et le rendu propose un niveau de détails et une stabilité à saluer.

Son : Pas de version française à signaler mais deux pistes différentes pour la VO. Évidemment, la piste 5.1 a un meilleur rendu général que la mono même si pour cette 5.1 c’est essentiellement la musique qui est spatialisée. Dans les deux cas, l’expérience sonore proposée est de qualité.

Bonus Blu-ray / DVD :

Otto Preminger and the Dangerous Woman : Épisode de la série Cinéastes de notre temps réalisé par André S. Labarthe. D’une durée de 58 minutes, ce module donne la parole à Otto Preminger dans une interview au long cours menée sur deux jours. Le cinéaste revient sur ses débuts de metteur en scène, sur son arrivée à Hollywood et ses premiers contacts avec les studios. Réticent à l’idée de parler de ses films, il se montre cependant très ouvert d’esprit sur l’art et le cinéma, loin finalement de la figure autoritaire dont on se faisait l’idée.

Actualités : Reportage télé d’une durée de 5 minutes sur le tournage du film dans le Michigan. Sympathique document d’archives mais à l’intérêt assez limité.

Fac-similé du livre Anatomy of a Motion Picture de Richard Griffith : Le clou de l’édition, proposé en plus de 5 photos et de l’affiche du film. Ce livre de 132 pages (malheureusement non traduit en français mais précieux pour les anglophones admirant le film) revient sur la genèse et le tournage du film à grand renfort de photos inédites, permettant de lever le voile sur les méthodes de travail de Preminger, adepte des répétitions avec les acteurs mais pas du découpage technique.

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