Midway : Piquage de nez assuré !

Roi du film catastrophe (voire catastrophique !) à Hollywood depuis près de 30 ans, Roland Emmerich est un vendeur de pop-corn qui a trouvé sa place dans l’industrie du cinéma en suivant parfaitement le cahier des charges imposé par les studios. Faiseur doué et sans personnalité, il a connu ses heures de gloire dans les années 1990 avec Stargate, Independance Day, The Patriot ou Le Jour d’Après. Des blockbusters à première vue décomplexés qui se révèlent pour la plupart être totalement illogiques après coup. Les films sont des machines massives envahissant les salles en force à force de matraquage publicitaire. Tous y sont passés ou presque, Midway ne dérogeant pas à la règle.

Midway, film de guerre revenant sur l’un des tournants cruciaux de la Seconde Guerre Mondiale dans le Pacifique opposant Américains et Japonais, nous a été montré très tard. À peine quelques jours avant sa sortie en salles où l’on a dû signer un embargo, car la France a le privilège de sortir le film avant le marché américain. Aux États-Unis, le film sort pour le Veterans Day, 11 novembre identique à la Fête française, mais célébrant plus globalement les anciens combattants américains. Le film Midway crée donc l’événement pour ce week-end crucial en termes de sortie et de fête. Qui plus est, le film nous est montré tard, mais en fanfare avec le soutien fort de la 4DX, attraction remuante et immersive exclusive au circuit de salles Pathé. Toutes les conditions étaient donc réunies pour nous satisfaire et apprécier un possible grand film de guerre à l’ancienne.

Midway a déjà eu le droit à une retranscription sur grand écran en 1976 réalisé par Jack Smight. Au casting, on y retrouve Charlton Heston, Henry Fonda, James Coburn, Glenn Ford et Robert Mitchum au cœur d’un film suranné à la révision pénible faute d’un rythme fatiguant en dépit d’un casting ayant une certaine gueule.
En 2019, Roland Emmerich fait de Midway un blockbuster aérien patiné d’effets spéciaux à ras bord. On peine à saisir le réalisme d’une entreprise superficielle. Clairement, dans ce Midway, on ne croit en rien, car rien n’est incarné. Le film se veut être un film classieux renvoyant par certains tocs au genre désuet des années 60, grande période du film de guerre. Fut elle ressuscitée à l’orée des années 70/80 grâce à la guerre du Vietnam, mais aujourd’hui, le cinéma n’entre plus en guerre.

Il faut bien l’apanage d’un Veterans Day pour créer l’événement avec une production soutenue par les sous de studios chinois. Chinois qui trouvent leurs comptes dans ce contexte historique où ils étaient alliés aux Américains face à l’envahisseur japonais. Un fait marqué au cœur d’un film via une séquence qui fait tache avec une star américaine que nous ne reverrons plus. Aaron Eckhart en personne qui apparaît pour une petite séquence afin de mettre en valeur la rébellion chinoise. Tout cela sent les contraintes de production via les fonds chinois. Pourtant Roland Emmerich prend le point de vue des Japonais pour mieux faire rejaillir leur défaite lors de Midway après avoir réduit Pearl Harbor à une simple anecdote ouvrant le film comme une petite bataille dramatique. Ce qui n’avait pas empêché Michael Bay d’en produire un film de trois heures en 2001.

Midway ne tombe pas à pic. Il y a parfois comme une odeur de vieux films d’antan empâtés dans une mollasse d’effets spéciaux laissés pour compte pour des batailles et des raids aériens qui se ressemblent tous. Rien ne distingue le massacre de Pearl Harbor par les Japonais de la grande bataille finale de Midway. Le film est un enchainement de cinématiques de batailles aériennes aux enjeux communs. Les séquences manquent de forces et d’un réel point de vue de metteur en scène. On ne ressent jamais l’enjeu outre les meuglements d’acteurs charmants qui s’encouragent telle une équipe de football américain. Mais rien que cela, Oliver Stone a prouvé que l’on pouvait en tirer un grand film pour L’Enfer du Dimanche. Roland Emmerich est en mode automatique alignant les poncifs d’un genre éculé ne prenant jamais vraiment la peine d’insuffler le moindre souffle épique – pourtant crucial dans ce genre de long-métrage – et la moindre cohérence.

Une foultitude de personnages s’emmêlent et nous perdent dans leurs relations et leurs liens entre deux morceaux de bravoure réalisés par un superviseur devant son ordinateur avec la prévisualisation comme soutien. Dans Midway, nous sommes dans le même schéma marvelien où tout se ressemble et pue la naphtaline. Les séquences spectaculaires sortent d’un disque dur pour assurer le minimum vital d’un film plat. Heureusement que nous avions l’attrait de la 4DX du Pathé Wepler pour nous soutenir dans ce grand couloir aseptisé d’effets spéciaux et de gueules de cinéma ici pour prendre un gros chèque.

Dans le même cas de figure que la version de 1976, la production a réussi à convaincre une bande de gueules assurant devant un fond vert. Woody Harrelson en Nimitz, Dennis Quaid en Will Halsey, Patrick Wilson, Luke Evans, Mandy Moore entoure la véritable star du film, Ed Skrein. Pilote casse-cou et impertinent sortant des répliques tordantes tout en mâchant du chewing-gum tel un bel américain des années 40, l’acteur anglais – ex-transporteur pour Luc Besson – assure par son serrage de dents et sa monolithique attitude. L’acteur lui-même est un cliché ambulant qui assure à être le soldat dévoué parfait bafouant les ordres stupides pour mieux démontrer le héros qu’il est en conduisant son avion, prolongement phallique forcé.

Midway se veut être une attraction hommage à un genre lointain tout en célébrant les grands héros de la Grande Guerre. Le film est beau par cette valeur, mais contrariée par une exécution impersonnelle. Le film manque d’un réel point de vue, d’une personnalité forte qui s’emmêle à force de personnages inutiles et de perspectives s’interférant en permanence. Le film croule ainsi sous les exigences de productions, les doléances de sociétés étrangères, mais partenaires répondant aux besoins de leurs marchés propres. Le film est alors pris en contradiction permanente l’emmenant tout droit au fond de l’eau après avoir raté naïvement sa cible.

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