La Belle Époque : Je vous parle d’un temps, que les moins de 20 ans…

Ne peuvent pas connaître… « La belle époque » en voilà un titre qui ne semble pas apaiser les nostalgiques des années 80′. Le fameux « c’était mieux avant » que l’on aime si souvent arborer lorsqu’une nouveauté ou un changement nous déplaît. Réalisé par Nicolas Bedos, écrivain et chroniqueur TV/radio populaire sur France 2, on lui connaît un avis souvent tranché et relativement acerbe. Une information peu rassurante au vu du titre. Pourtant il a la décence de s’en éloigner et de rester proche de son concept pour une histoire très singulière.

Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine, un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour.

Nicolas Bedos, après Monsieur et Madame Adelman, frappe en réalité très fort avec La Belle Epoque. Revivre son passé sans jamais tomber dans le voyage temporel est une manière assez ingénieuse de traiter une thématique aussi simple que la nostalgie, les souvenirs ou le passé. Ainsi le film est tout à fait crédible et probable ne tombant jamais opportunément dans la science-fiction. Il se permettrait encore moins de théoriser le voyage dans le temps sur lequel tant de gens se sont cassés les dents. Il en résulte une sorte de huis clos assez singulier. Là encore, il s’agit d’un terme trop souvent et facilement usité, on en est cependant proche. Un huis clos d’un espace-temps, d’un sentiment, d’un ressenti, d’une philosophie presque. Un huis clos dans le passé de ses personnages.

En traitant du passé de cette manière, Nicolas Bedos parle également du cinéma et du théâtre dans toute sa splendeur. A chaque scène que l’on voit c’est une pièce qui se joue devant nous avec les mêmes artifices et technologies qu’au cinéma. Une façon très poétique de lier le tout au sein d’un seul et même art. Il en retrace également tout un pan et nous fait nous rappeler d’une époque aujourd’hui révolue. Quelle étrangeté de se souvenir à quel point certaines choses ont changé sans que cela ne nous choque vraiment visuellement. Voir tous les consommateurs d’un bar restaurant fumer ostensiblement à l’intérieur sans que cela ne gêne le moindre monde. Effectivement on pourrait commencer à regretter cette époque quand on voit dans quel monde de plus en plus restrictif nous vivons. Et pourtant l’interdiction de fumer dans un lieu public est l’une des meilleures avancées de ces 20 dernières années. Cela ne nous empêche pas de se satisfaire de l’atmosphère visuelle que la scène engendre. Il n’y pas seulement cette scène qui participe à la vie de ce long métrage. Les décors, costumes et maquillages semblent plus vrais que nature. On apprécie voir ces décors et ce réalisme des années 80 (et parfois d’autres époques). Il y a un vrai travail d’authenticité qui est appliqué ici et Bedos ne fait pas le travail à moitié. A ce titre il est de bon ton de féliciter Stéphane Rozenbaum, chef décorateur de Michel Gondry, ainsi qu’Emmanuelle Youchnovski dont le travail a été impeccable.

A côté de ce concept, l’histoire en elle-même est belle. Dotée d’une innocence et d’une sincérité d’existence au sein d’une réalité sociétale de plus en plus nauséabonde, on tombe vite sous le charme de ces personnages. Ils ne se cachent de quasiment rien et assument totalement à la fois le monde dans lequel ils vivent pour certains et le monde dans lequel ils ont vécu (notamment les meilleures années de leur vie) pour les autres. C’est un film transparent avec ses intentions ne cherchant pas à se justifier de ses choix. On vit des choses uniques à chaque époque de notre vie. Quelque part, ce que La Belle Epoque cherche à nous dire, c’est que ce n’est pas l’événement qui définit la bonne (ou belle) époque, mais la manière dont il nous impacte. Un sentiment que le jeu d’acteur parvient totalement à retranscrire. On doit admettre que le casting est d’une qualité impressionnante mais la médaille revient à cette chère Fanny Ardant qui sait insuffler à son jeu toutes les caractéristiques d’un personnage multi-facettes. Daniel Auteuil brille tel le chef d’orchestre de ce jeu de niveaux très astucieux. Guillaume Canet quant à lui reste dans un sillage qu’il connait mais confirme une belle maîtrise de son talent. La réelle surprise revient à Doria Tillier qui crève l’écran et subjugue à la fois par son charme et son impertinence de jeu.

On concluera avec le réalisateur, Nicolas Bedos. Une fois de plus, il démontre avec La Belle Epoque, qu’il est doté d’une sensibilité immense qu’on lui soupçonnait pas au premier abord. Une écriture à la fois simple, maladroite par instant mais diablement profonde. En parlant avec son cœur, il conquit son public sans grande difficulté. A voir si La Belle Epoque deviendra un classique dans les années à venir, en attendant il suffit à passer un agréable moment et savourer sa séance.

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