J’ai perdu mon corps : Un seul membre vous manque et tout est dépeuplé

Que l’animation française soit portée en triomphe en cette année 2019 est un réel plaisir que l’on espère plus couronnée de succès que les fabuleuses tentatives de la riche année 2015 où des films aussi inventifs que Phantom Boy et Avril et le monde truqué avaient eu du mal à trouver leur public. Auréolé de retours enthousiastes à Cannes et à Annecy, J’ai perdu mon corps, premier long-métrage de Jérémy Clapin produit par l’audacieux Marc du Pontavice, s’impose très vite comme l’une des belles pépites d’animation de l’année, à ranger aux côtés de La fameuse invasion des ours en Sicile.

Librement adapté du roman Happy Hand de Guillaume Laurant (qui officie en tant que co-scénariste), J’ai perdu mon corps aura mis du temps à se concrétiser, la faute à un sujet bien sombre pas vraiment en accord avec le film d’animation que l’on associe bien trop souvent à tort à un public jeune. Pourtant pour raconter l’histoire de cette main tranchée à la recherche de son corps, c’est bien l’animation qui s’imposait, seule capable de retranscrire sans trucage numérique cette épopée d’une et de nous faire ressentir ses émotions. Autant dire que le pari était audacieux mais qu’il s’avère payant tant Jérémy Clapin prend le film à bras-le-corps avec une farouche envie de cinéma, se traduisant notamment par un sens du cadre et de l’échelle sans cesse réinventés au fil des séquences mettant en scène la main.

Mais cette main (dont on ne saura jamais pourquoi elle s’anime) incomplète à la recherche de son corps a une histoire aussi bouleversante que celui qui la possède. En effet, à travers une construction en flash-backs, J’ai perdu mon corps nous retrace la vie de Naoufel dont l’extrême sentiment de solitude contraste avec l’enfance heureuse qu’il a eu, interrompue par la mort de ses parents dans un accident de voiture. Habitant désormais avec un oncle qui ne lui montre aucune considération, Naoufel travaille comme livreur de pizzas mais multiplie les retards. C’est via son travail et un interphone (l’une des plus belles scènes du film) qu’il va faire la rencontre de Gabrielle et peut-être entrevoir un avenir plus radieux…

Entre la main de Naoufel à la recherche de son corps et Naoufel lui-même dont l’existence est cruellement incomplète, ce sont deux trajectoires similaires que le film met en exergue, nous faisant ressentir l’immense détresse d’un personnage qui ne peut que nous toucher. Et alors que Clapin surprend en parvenant à rendre parfaitement tangible tout le désarroi de cette main perdue dans un environnement hostile (son seul moment de répit auprès d’un bébé est carrément bouleversant), il doit beaucoup à la partition musicale de Dan Levy (co-fondateur du groupe The Dø) composée pour le film. En effet, on avait rarement vu une bande-originale aussi bouleversante dans un film d’animation, ne se contentant pas d’illustrer ce qu’il se passe à l’image mais allant chercher très loin dans les émotions du personnage et s’avérant déchirante lorsqu’elle accompagne des images furtives de souvenirs heureux, nous faisant presque ressentir les sensations ressenties par la main de Naoufel.

Ce niveau d’exigence et cette belle osmose entre l’image et la bande-originale achèvent de faire de J’ai perdu mon corps une petite pépite, à même de nous sortir de la léthargie de notre existence pour nous donner envie de vivre avec ferveur et profiter de tous ces moments fugaces qui rendent la vie si belle…

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