Oleg : Au secours l’Europe

Il est lointain le temps où l’Europe faisait rêver. Désormais, pour bien des cinéastes, elle est devenue un terrain hostile et déshumanisant où les rêves de réussite sont brisés en son sein par un système corrompu jusqu’à la moelle. Avec Oleg, le cinéaste Juris Kursietis (dont c’est ici le deuxième long-métrage) signe un film âpre, plongée dans le quotidien de Oleg, un émigré letton venu en Belgique travailler comme garçon boucher afin de rembourser des dettes contractées au pays. Viré de son travail à la suite d’une fausse accusation, Oleg se retrouve entre les mains d’Andrzej, un criminel polonais lui promettant du travail avant de l’enferrer dans une spirale sans issue, lui confisquant son passeport et réclamant de lui une coopération totale au fil de ses humeurs. Sans d’autres repères que Andrzej (épatant Dawid Odgrodnik), Oleg reste coincé dans ce pays qui n’est pas le sien et devra cesser de se considérer comme une victime pour enfin avancer…

Film d’une insidieuse brutalité, Oleg secoue à mesure qu’il décrit le calvaire vécu par son personnage. Une descente aux enfers jamais filmée comme quelque chose d’exceptionnel mais au contraire comme quelque chose d’affreusement banal et quotidien, Oleg n’étant que l’un de ces émigrés broyés par le système comme en témoigne Juris Kursietis dont le scénario est basé sur de nombreux faits réels. Dépouillé de tout, victime de son statut social ingrat même parmi les siens (la scène où une femme avec qui il a couché le rejette parce qu’il est boucher et non l’acteur de théâtre qu’elle pensait), Oleg n’a plus que son tortionnaire vers qui se tourner, tout en sachant très bien le mal qu’il lui fait. A ce titre la vision du film est parfois douloureuse, la condition de victime d’Oleg, dépeinte de façon réaliste, ne le faisant jamais vraiment se révolter comme on le voudrait.

Il n’empêche que Oleg s’avère être un film nécessaire, ne serait-ce que pour lever le voile sur la condition de ces émigrés auxquels on ne fait jamais vraiment attention et dont les histoires pétries de difficulté et d’humanité doivent être racontées. En collant toujours sa caméra (à l’épaule évidemment) au plus près d’Oleg, que Valentin Novopolskij incarne avec une belle forme d’innocence et de candeur, Kursietis nous agrippe par les tripes pour ne plus nous lâcher, nous montrant comment l’Europe et ses grands rouages ne profitent jamais à ceux qui ont du cœur mais bien aux criminels comme Andrzej qui ne fait que reproduire un système d’esclavagisme moderne déjà mis en place. Étouffant, Oleg apparaît alors comme un cri de révolte et il faudra attendre sa scène finale pour se permettre enfin une bribe d’espoir, mettant en avant la renaissance d’Oleg suite à son calvaire dont on espère bien naïvement qu’il ne se reproduira plus jamais.

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