Maléfique : Il était une fois…

…un joyeux royaume cinématographique où les seules idées décentes sont l’exploitation d’un catalogue vieux de 60 ans. Un monde merveilleux composé des éternelles princesses aux jolis minois, d’obscures sorcières, de fées malicieuses et de courageux rois et princes. 
Bienvenue dans le fabuleux monde moderne de Disney, géant groupe de divertissement préférant spéculer que de divertir. L’invention n’est plus le maître mot que Walt Disney (paix à son âme) s’est échevelé à construire avec passion (voir le propagandiste de Dans l’ombre de Mary). Entre les super-héros de la Marvel et les sabres lasers des jedis de Star Wars, les pontes du bureau cinéma s’amusent cyniquement à bousiller l’imagerie naïve et joviale ayant fait rêver nombre d’enfants dans leurs temps. Après le superficiel Alice aux pays des merveilles et l’efficace Monde fantastique d’Oz, voici La Belle au Bois Dormant revisité façon live par un des grands talents du trucage numériques Américains, Robert Stromberg. 

2014 est l’année anniversaire de la sortie de l’un des plus grands films d’animation produits par Disney, La Belle au Bois Dormant. Sorti en 1959 et s’inspirant du conte des Frères Grimm, ce classique des Studios Disney donne toute sa mesure à ce nouveau Maléfique, mettant en haut de l’affiche Angelina Jolie dans le rôle de l’infâme sorcière de l’époque donnant le titre au film. 
Reprenant en grande partie les moments phares de l’œuvre originale, Maléfique ne prend jamais comme figure maîtresse Aurore, symbole suprême de la belle princesse Barbie, blonde et lisse pour un enjeu narratif d’envergure pour un film moderne. Dans ce premier long-métrage de Robert Stromberg, le rôle principal est donné à la Sorcière elle-même. Creusant son passé et son univers, le film achemine gentiment le parcours de Maléfique vers le côté obscur de la magie, l’amenant à être cette diabolique sorcière ayant jeté ce douloureux sortilège à la princesse Aurore. 
Mais faute à la tenue du rôle par une star internationale et productrice du film, Angelina Jolie, le film Maléfique retourne les péripéties initiales pour donner une lecture totalement inverse de l’histoire du film animé d’antan.
Ainsi, dans le long-métrage de Robert Stromberg, l’incarnation héroïque du film sera la Sorcière elle-même. Se donnant le beau rôle, Angelina Jolie creuse l’histoire de son personnage lui donnant la latitude nécessaire pour expliquer ce que Maléfique est devenue dans l’œuvre originale. Petit être gentil et naïf, Maléfique est une belle jeune femme au cœur pur qui mène une vie idyllique au sein d’une paisible forêt dans un royaume où règnent le bonheur et l’harmonie. Un jour, une armée d’envahisseurs menace les frontières du pays et Maléfique, n’écoutant que son courage, s’élève en féroce protectrice de cette terre. Dans cette lutte acharnée, une personne en qui elle avait foi va la trahir, déclenchant en elle une souffrance à nulle autre pareille qui va petit à petit transformer son cœur pur en un cœur de pierre. Bien décidée à se venger, elle s’engage dans une bataille épique avec le successeur du roi, jetant une terrible malédiction sur sa fille qui vient de naître, Aurore. Mais lorsque l’enfant grandit, Maléfique se rend compte que la petite princesse détient la clé de la paix du royaume, et peut-être aussi celle de sa propre rédemption. 

Le problème du long-métrage se pose alors dans cette dénaturation totale de l’œuvre originale. Le monde développé est beau et angélique, renvoyant parfois au travail de Peter Jackson dans ses trilogies de l’anneau, mais Maléfique ne trouve son originalité que par cette rotation des rôles. Quelques batailles épiques égayent le film et des scènes d’envolées majestueusement divines le rendent parfois sublime, mais le manque de caractère certain rend cette production banale et trop classique pour se démarquer des autres productions actuelles. 
Maléfique est certes un beau et gentil conte pour enfants déjà conquis, mais le long-métrage sent trop le calque rendant le propos de fond trop lisse et désuet. 

En dépit de l’intérêt certain de l’inversement des rôles faisant de Maléfique l’héroïne principale de l’histoire, la base même du film se montre trop légère pour établir un univers démesurément épique. Juste aura-t-on la chance de voir un énième dragon en second plan (une nouvelle fois merci Peter Jackson !) ou une bataille sauvage renvoyant au Blanche-Neige de Rupert Sanders. L’électrocardiogramme narratif du film étant des plus irréguliers, l’effort de Robert Stromberg de rendre son film attrayant est à saluer. Se confinant aux deux royaumes distincts de Maléfique et du roi, le long-métrage donne une véritable matière à rêver. Tout comme Aurore sautant de rocher en rocher, le monde est une nouvelle fois merveilleux, le talent du réalisateur pour les décors et autres trucages est à souligner à sa juste valeur. Le film transpire de tous ses pores l’âme créatrice de l’artiste, se rapprochant de ceux effectuer par lui-même sur le Alice de Tim Burton et le Oz de Sam Raimi. 

Grâce alors au travail fantastique de son réalisateur néophyte, Maléfique est l’œuvre magique promise à tous les enfants en quête de dépaysement. Pour les nostalgiques et autres spectateurs acerbes, il sera un beau et gentil petit conte mesuré ne transcendant jamais sa matière initiale, mais véhicule adéquat pour l’expression massive d’une star/productrice idéale pour un rôle démesurément divin. 

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