Rambo : Last Blood – Une fois que la guerre est finie…

Voilà bientôt 40 ans que John Rambo fait un carnage sur le grand écran. Cet homme d’action indémodable a su traverser plusieurs générations avant de tirer sa révérence. C’est en partie grâce à ce personnage (et celui de Rocky Balboa) que Sly est mondialement connu et qu’il est devenu la figure incontournable des films d’action aujourd’hui. Initialement adapté du roman First Blood de David Morell, la saga s’en est par la suite éloignée et Stallone a su endosser le rôle du personnage avec brio, lui insufflant une seconde âme que celle proposée par l’auteur. Aujourd’hui, David Morell ne fait plus vraiment partie du projet, bien qu’il fût approché pour participer à ce dernier volet avant d’en être évincé. Ce dernier opus signe définitivement une fin de carrière pour John Rambo, et le titre Rambo : Last Blood, faisant écho au titre du premier, confirme bien que la dernière goutte de sang a coulé de la main de cet ex-militaire surpuissant.

Une conclusion qui ne plaît cependant pas à son créateur original, et suffit à justifier auprès de la critique que cet opus est décevant. Souvenons-nous, avant de crier au scandale à la moindre occasion, que David Morell a participé au scénario de l’épisode 3, le moins bon de la saga. Soudain, la « fin passionnante » qu’il promet offre des relents de scénario au rabais. De quoi se complaire du choix de Stallone de revenir aux prémices du scénario qu’il avait pensé dès 2008, après la sortie de John Rambo. Il faut dire que Rambo avait depuis un moment pris un chemin assez différent. Le deuxième opus, malgré ses gros défauts offrait une continuité assez logique et tout à fait appréciable. Ce qui n’est plus le cas avec le troisième opus, celui donnant l’image d’un Rambo sanguinaire et absolument invincible, un monstre de violence sur pattes. John Rambo est quant à lui symptomatique de toute l’évolution qu’il y a eu, à la fois dans la vraie vie que sur grand écran avec un cinéma plus décomplexé. Cela fait maintenant 10 ans que nous n’avions plus revu notre cher camarade et autant dire que son retour se fait remarquer. Les 10 ans séparant les 2 opus sont bel et bien intégrés à l’histoire.

Cette fois-ci John Rambo n’est plus le militaire ahurissant constituant à lui seul le troisième camp d’une guerre. Il est retraité, au sein d’une famille qu’il a su créer et qui a su l’accueillir. Il tente tant bien que mal de vivre une vie paisible loin de tous les problèmes du passé. Mais ces derniers le poursuivent et ne lui laissent aucun répit. Par un malheureux hasard, sa fille adoptive se retrouve confrontée au cartel de drogue mexicain. Une situation bien délicate qui réveillera le Rambo pour un ultime carnage. Et non des moindres.

Non seulement le titre fait le lien avec le premier opus, mais aussi une certaine mise en scène. On redécouvre notre personnage dans son élément, usant de la ruse et de stratagèmes afin de défaire ses ennemis. S’éloignant du tatapoum et autres lance-roquettes des opus précédents, Last Blood montre dans sa première partie l’idéologie d’un retraité qui n’éprouve qu’une envie, celle de profiter de sa famille, quand la deuxième partie s’attache à présenter un passé qui ne le quitte jamais. C’est le principal argument de vente de Sly lorsqu’il parle de ce film, découvrir son héros sous un nouveau jour totalement inédit. Déjà le quatrième opus avait estomaqué de nombreux spectateurs par son approche ultra réaliste, extrêmement violente et particulièrement convaincante, mais ce retour aux sources ne laisse pas indifférent. Découvrir Rambo sous cet angle laisse assez dubitatif au premier abord et enclenche l’attente du point de rupture pour le spectateur. La narration prend son temps, l’élément déclencheur peinant à pointer le bout de son nez. Mais une fois qu’il arrive, on ne peut plus que trépigner d’impatience devant le résultat qui va se jouer devant nos yeux.

On peut cependant comprendre une forme de désarroi face à cette nouvelle orientation du héros. Last Blood n’ayant, d’autre part, pas le luxe de se payer des personnages très profonds. À l’exception de Rambo, tous les autres personnages sont absolument transparents et seuls leurs sorts (atroce pour certains) nous permettent de vraiment les identifier et de développer de l’empathie pour eux bien que leurs histoires ne soient là que pour justifier l’acte final. En ce sens, on comprend la critique assez viscérale face au film. Si l’on peut pardonner de nombreuses choses à Stallone et plus particulièrement à la saga Rambo, il faut admettre qu’après John Rambo et 10 ans d’attente, on était en droit d’espérer un scénario bien plus fourni et nettement plus profond. À croire que ce dernier n’a que peu évolué durant cette période. Les personnages ne sont que des excuses plus ou moins recevables pour faire avancer l’histoire vers la désintégration du cartel mexicain.

Étonnamment, si l’histoire semble avoir du retard sur les standards d’aujourd’hui, ce n’est pas le cas de la mise en scène qui est plutôt ingénieuse. La violence visuelle est au niveau et rappelle la norme qu’a imposée The Raid depuis 2011. Et se dire que Sylvester Stallone est encore capable de telles cabrioles à 73 ans est assez louable. Vouloir mettre fin aux jours de l’un de ses personnages fétiches de manière noble, sans faire de réelles extravagances et limiter les suites ou remakes permet également de ne pas faire de Last Blood la suite de trop. Cet épisode est le bouquet final de la saga, direct, fataliste et orchestré par une scène finale en apothéose. On l’attend impatiemment, on la savoure pleinement.

Rambo c’est également une saga politisée et cet opus ne fait pas exception. Sur l’ensemble de ses opus, Rambo est l’image d’une Amérique qui grandit au gré de ses guerres contemporaines. Face à lui-même dans le 1, face au Vietnam dans le 2, face à l’Afghanistan dans le 3 et enfin face au Mexique dans celui-ci. Le 4 faisant une légère exception pouvant rappeler le désir plus ou moins affiché des États-Unis d’Amérique d’être la police du monde. Toujours est-il que cet opus se digère mal au sein de la critique qui dénonce le film d’être raciste. À l’heure où Donald Trump est président avec la ferme intention d’ériger un mur séparant le Mexique des USA, le scénario interroge sur le véritable discours du long métrage. Évidemment la critique bien-pensante ne manque pas de venir cracher sa bile car le monde entier est, en réalité, gentil comme un télétubbies. Sicario a pourtant déjà tenté de nous prévenir que le cartel mexicain est une réalité aussi affreuse que dangereuse. L’ambiance des bas-fonds de la ville reste assez sobre et manque d’impact visuel et de crédibilité, mais contrairement à son prédécesseur, Last Blood n’a pas la vocation à retranscrire une réalité géographique et visuelle. Ce qui compte c’est de faire avancer l’histoire et de trouver un bouc émissaire qui va prendre cher pendant le dernier quart d’heure du film. Aussi provocateur envers le Mexique peut-il être, cet ultime opus tient toutes ses promesses. Et on vous défie d’aller faire un séjour dans le pays dont la corruption et la criminalité sont parmi les plus élevés au monde sans revenir avec de solides préjugés. Ne mélangez pas racisme et réalité.

Toujours est-il que malgré un scénario assez basique et superficiel de prime abord, il offre un feu d’artifice en dernière partie absolument délectable. C’est aussi pour cela qu’on vient au cinéma et John Rambo tire sa révérence de façon tout à fait honnête. On ne regrettera pas de ne plus le voir sur grand écran, il nous a offert l’exutoire et l’émotion que l’on attendait. Et dire que tout a commencé pour une simple histoire de restaurant… Ce n’était définitivement pas sa guerre…

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