Steve Bannon : Le grand manipulateur, un sous-titre bien orienté

Steve Bannon, le grand manipulateur. Voilà comment est intitulé en français le documentaire consacré à Steve Bannon, soutien puissant et indéfectible de Donald Trump aux États-Unis, à la fois durant sa campagne mais également par la suite. Réalisé par Alison Klayman, réalisatrice et productrice spécialisée dans le documentaire, Steve Bannon raconte l’histoire politique de… Steve Bannon, oui ! Avant d’être le soutien et partisan de Donald Trump il est avant tout un puissant homme d’affaire aux États-Unis, connu pour être très proche de l’extrême droite. Avant d’être le fondateur en 2017 de l’organisation Le Mouvement, il était depuis 2012 le président exécutif de la société Breitbart News. Compréhensible vu le parcours, qu’il fut nommé Conseiller Stratégique du président après son élection.

Avec une telle introduction, il ne fait aucun doute que vous voyez en Steve Bannon l’équivalent d’un Dick Cheney de l’époque George W. Bush. A vrai dire, avec un tel titre, il était attendu que le long métrage se rapproche du film Vice d’Adam McKay avec Christian Bale. Un film qui dépeignait déjà un homme politique prêt à beaucoup de choses pour un peu plus de pouvoir. Si en plus on l’associe à l’Alt-Right (grossièrement l’extrême droite américaine), la critique bien-pensante verra vite en lui un démon à bannir de tout sujet de discussion. Pourtant suivi par la réalisatrice pendant plus d’un an, y compris à la Maison Blanche, on a pu voir l’homme sous différentes coutures. Même si le montage est forcément orienté en fonction de ses valeurs ou même s’il cherche à être le plus fidèle et transparent possible, on ne pourra jamais renier complètement les passages coupés. Malgré tout Steve Bannon, le Grand Manipulateur montre un tout autre visage que celui qu’on pourrait prêter « au soutien numéro 1 de Donald Trump ».

Steve Bannon dit clairement et simplement ce qu’il pense, certainement une des raisons qui le rapprochent de Donald Trump. Se considérant globalement d’extrême droite, on voit rapidement des profils types chez ses détracteurs. Le stigmatisant non pas selon ses idées mais son orientation politique. De ce que montre le documentaire, la vision de cet homme politique est pourtant assez complète et bien pensée. Durant les 2 premières années du mandat du président Trump, ses choix ont manifestement porté leurs fruits. De nombreux citoyens se sont d’ailleurs étonnés de voir que le pays n’était pas encore à feu et à sang comme ils le craignaient le jour de son élection. A vrai dire on y voit un homme modéré, toujours respectueux et poli. Lors de la scène de l’entretien avec un journaliste, on s’étonne de voir ce dernier devenir agressif et parfaitement irrespectueux sous couvert d’être « de gauche ». Il s’oppose très vivement à ses interlocuteurs qui, eux, restent tout à fait calme et l’intiment même de ne pas s’énerver. Ce genre de comportement démontre également à quel point les gens manquent d’argument fondés et solides pour dénigrer et discréditer leurs opposants, ici Steve Bannon. D’autant que pour un homme politique d’extrême droite, Steve Bannon s’avère être très réaliste et posséder énormément de recul sur la situation et ses enjeux. Ce n’est pas pour rien qu’il est considéré comme un fin stratège et manipulateur.

Mais manipulateur, l’est-il vraiment? En effet le titre original de ce documentaire est « The Brink ». Un terme probablement inconnu en France, à l’exception des 4 bilingues qui se baladent, mais qui a, vous vous en doutez, une réelle définition aux États-Unis. Brink signifie grossièrement « point de rupture ». Le titre peut donc à la fois designer quelqu’un qui passe d’un état ‘positif’, ‘bénéfique’ à un état totalement contraire. Mais une autre définition décrit le terme Brink comme quelqu’un passant de la réussite absolue et accomplit tout ce qu’il entreprend à la défaite, à l’échec le plus total. Ici c’est surtout le deuxième point qui est central rapport à la dernière réplique de Steve Bannon dans le documentaire. En effet durant les élections de mi-mandat, Steve Bannon perd progressivement tous ses soutiens. Alors que d’anciens alliés se réjouissent de sa défaite, pensant que son départ les mettrait dans de meilleurs dispositions, il perd la majorité gouvernementale. Les complotistes diraient qu’il devenait dérangeant, le problème est surtout que le titre original est beaucoup plus neutre et juste. Sa traduction française, au-delà de la définition littérale qui sous-entend que Bannon est un homme intelligent, induit le spectateur avec l’aspect péjoratif du terme « manipulateur ». Surtout si on rajoute un superlatif devant. Or il n’est pas plus manipulateur que n’importe quel politicien de n’importe quelle République. En utilisant ce terme, le titre renvoie immédiatement une image négative de Steve Bannon alors que le documentaire montre au contraire quelqu’un de mesuré et plutôt pertinent dans sa ligne de conduite.

Même s’il a politiquement tout perdu aujourd’hui, ses projets sont assez intrigants. D’aucuns diraient qu’ils sont plutôt inquiétant puisqu’il vise à réunir les différents partis populistes d’Europe sous une même bannière. Pour autant Bannon a été assez inspiré concernant notre futur et nombre de ses mesures ont nettement amélioré la vie américaine. Pour l’avoir suivi pendant le gros de sa vie politique, on peut dire qu’Alison n’a pas présenté uniquement les bons passages de l’homme d’affaire. On aperçoit certains de ses travers et mauvaises habitudes mais il prouve que le parti ne fait pas l’homme (ou la femme). Ce sont les choix, les propositions, les discours qui déterminent le contexte politique à venir.

En résumé Steve Bannon Le Grand Manipulateur montre peut-être une vérité qui déplairait aux plus progressistes d’entre nous. Mais il montre également que ce ne sont pas toujours ceux que l’on pense qui sont les plus malhonnêtes. Un simple titre suffit à se forger un avis alors qu’on peut toujours remettre la parole d’un homme en doute durant plus d’un an.

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