Cuban Network : Les Infiltrés

Cinéaste protéiforme à la filmographie variée, Olivier Assayas a toujours aimé relever des défis dans sa carrière, en choisissant de ne jamais se répéter. La preuve avec Cuban Network, film d’espionnage présenté en clôture du 45ème festival de Deauville et attendu en salles le 22 janvier 2020. Il est en effet amusant de constater que Assayas, après un film fantastique avec Kristen Stewart et une comédie à la Woody Allen, se lance ici dans une entreprise plus vaste, comme un écho à son Carlos de 2010 où il s’intéressait déjà à la géopolitique de la Guerre Froide, à sa violence et à ses nombreuses ramifications.

Avec Cuban Network, le cinéaste se rapproche de John Le Carré avec un plaisir évident dans un film dense certes mais toujours ludique où de son propre aveu, il s’est beaucoup amusé sur le tournage. Le film revient sur un fait méconnu de l’Histoire, se situant entre Cuba et Miami dans les années 90. Au pouvoir depuis des années, Fidel Castro voit des groupes anticastristes de plus en plus féroces s’attaquer aux infrastructures touristiques de Cuba pour affaiblir le pouvoir de l’île qui, sans le soutien de l’URSS qui s’est écroulée et sans l’argent du tourisme, est mise à mal. C’est dans ce contexte que plusieurs agents castristes vont feindre leur défection de Cuba pour rejoindre Miami et s’infiltrer dans les groupes anticastristes pour empêcher de nombreux attentats… Sujet dense auquel on ne s’attendait pas forcément et avec lequel le cinéaste joue énormément (la première partie du film laisse penser que les personnages que l’on suit sont anticastristes avant de se révéler l’exact opposé), laissant énormément de place aux personnages formant le cœur d’un récit complexe.

Olivier Assayas l’a dit, de cette situation politique aux nombreuses ramifications, il a dû tirer un film de 2h10 clair pour le spectateur. Le scénario simplifie donc de nombreux éléments mais sans jamais pour autant sacrifier la complexité du contexte. Le rythme de Cuban Network est ainsi enlevé, demandant une exigence de tous les instants pour bien suivre les scènes afin de ne pas perdre le fil d’un récit fouillé aux nombreux personnages. Pour donner de l’empathie à ses héros, le cinéaste a très bien choisi son casting : Edgar Ramirez (qu’il avait déjà dirigé dans Carlos), Penélope Cruz, Wagner Moura, Ana de Armas, Gael Garcia Bernal apportent beaucoup à Cuban Network, permettant d’ancrer le scénario dans le concret, nous accrochant à eux et à leur mission, offrant ainsi l’émotion avant les informations du scénario, que l’on saisit peu à peu.

Complexe, Cuban Network permet à Olivier Assayas de s’amuser avec les codes du genre (on a des échanges de documents, un avion qui explose, une femme sexy) tout en explorant une fois de plus les arborifications politiques d’une situation explosive où l’on ne sait pas vraiment qui est bon et qui est méchant mais où l’on suit simplement des hommes ayant décidé de sacrifier leur vie au service de leur pays. Le film, tout en se montrant exigeant pour saisir ses nombreux aspects, n’en est pas moins parfaitement maîtrisé, montrant une fois de plus les ressorts décidément infinis d’un cinéaste jamais là où on ne l’attend.

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