Les Baronnes : Pas grand chose dans le ventre!

Il se passe actuellement quelque chose d’assez fascinant à Hollywood ! En effet, depuis le scandale causé par les révélations sur l’affreux Harvey Weinstein, c’est comme si toutes les têtes pensantes de Hollywood avaient eu une prise de conscience subite les poussant désormais à célébrer LA femme, dans toute sa liberté d’agir et de prendre son destin en main, comme pour rattraper le temps perdu. Bien entendu, loin de nous l’idée de jouer les mâles atteints dans leur dignité, cet état de fait étant somme toute logique et plutôt sain dans l’idée. Le principal souci étant comme souvent, le manque de discernement et de nuances d’une industrie plus hypocrite que réellement concernée. En bref, tout est bon pour être bien vus, et si l’époque veut que l’on place sur un piédestal les femmes, faisons-le gaiment, sans subtilité, du moment que l’on peut passer pour le summum du progressisme moderne. Une entame pouvant paraître un peu déstabilisante, mais nécessaire pour replacer dans son contexte ce nouveau parangon du néo féminisme, disant à peu près que face à la médiocrité des hommes, rien de tel que d’agir de la même façon que ces derniers, quand bien même ceux-ci étaient des mafieux irlandais respectés dans le Hell’s Kitchen de 1978, jetés en prison, et laissant leurs épouses bien démunies, elles qui jusque là étaient sans cesse maintenues dans l’ombre de ces derniers. Après tout, rien d’indigne dans ce projet, et l’on est carrément partants de voir des femmes malmenées prendre les armes et remplacer leurs indignes de maris dans les affaires…

Adapté du comic book « The kitchen », d’Ollie Masters et Ming Doyle, inédit en France, et cherchant visiblement à restituer l’atmosphère poisseuse du New York des 70’s, en reconstituant de manière plutôt crédible ce quartier, le projet a tout, sur le papier, pour nous ramener à cette glorieuse époque du cinéma américain, lorsque celui-ci se faisait organique et transgressif, et que l’on pouvait presque sentir l’odeur de la ville, son âme. Pourtant, il semble très rapidement clair ici que l’on ne retrouvera pas cet esprit, pour la simple et bonne raison que le film est réalisé sans point de vue par Andrea Berloff, à la base scénariste ayant notamment co-écrit le script de N.W.A. Straight Outta Compton, piètre metteur en scène, sans point de vue, et dont l’emballage général évoque, un comble, un quelconque film Netflix ! On pourrait faire abstraction de cet aspect, quand bien même cette photo clinquante typiquement moderne ne restitue à aucun moment l’aspect poisseux recherché, si au moins le scénario se faisait réellement incisif et provocant. Mais c’est bien là que le film se tire définitivement une balle dans le pied, dans cette incapacité à engendrer un réel discours et à entraîner une réflexion chez le spectateur.

Car si tenir un propos fort consiste uniquement en rabâcher pendant 1h40 (qui paraît en durer beaucoup plus) des choses du genre « toute notre vie, on nous a tenues à l’écart, nous faisant croire qu’on ne valait pas les hommes, mais maintenant c’est fini, on va prendre notre destin en main et ça va chier », et bien il sera permis d’émettre quelques réserves sur cette incapacité à tenir un récit sans avoir besoin d’appuyer chacun de ses éléments, des fois que le spectateur (notamment masculin) soit trop crétin pour en saisir les « subtilités » ! Féminisme, oui, mais un peu de subtilité dans la façon de l’amener ne ferait pas de mal. Si l’on ajoute à ça l’absence totale d’ampleur dans les rebondissements, le scénario semblant sans cesse chercher son véritable point d’ancrage, sans jamais trouver le rythme juste ou l’enjeu suffisamment solide pour nous accrocher, et l’on comprendra donc rapidement que la débandade est à peu près totale. Mais tout ceci ne serait qu’un film raté de plus si par-dessus tout, la scénariste-réalisatrice ne cherchait pas à chaque instant à nous rendre ses protagonistes si accablées par le destin, que l’on a l’impression de ne pas avoir le choix en tant que spectateur, et de devoir obligatoirement les trouver admirables et courageuses. Mais si le comble du courage féminin, dans la tête d’une scénariste en 2019, revient à s’émanciper en adoptant exactement le même comportement que son mari, à savoir reprendre les affaires mafieuses, et se complaire dans le crime et la violence, on comprendra qu’il reste encore du chemin à parcourir. Certes, le film se déroule en 1978, dans un contexte particulier, mais le film étant réalisé aujourd’hui, il sera difficile de ne pas y voir un discours purement d’actualité, comme une mise en garde contre ces vilains messieurs.

On pourra néanmoins compatir au destin du personnage de Elisabeth Moss, battue toute sa vie, et s’accomplissant en découvrant les joies de l’art de se débarrasser d’un corps encombrant. Ces scènes apportent un petit supplément d’humour noir dont le film avait bien besoin, et cette dernière confirme une fois de plus son statut de grande actrice, pouvant s’impliquer à 200% dans des rôles souvent borderline. On retiendra également la prestation impliquée de Melissa McCarthy, enfin sobre et subtile (même si on l’adore également dans ses comédies), mais les personnages qu’elles campent, elle et la troisième protagoniste, interprétée par Tiffany Haddish, manquent trop de nuances pour être réellement émouvantes, surtout cette dernière, s’adaptant aux pires travers des hommes qu’elles sont censées remplacer avec plus de grâce.

Au final, il ne s’agit de rien d’autre que d’un pauvre petit thriller mal fichu, mal rythmé, et sans ampleur, encore handicapé par un propos à côté de la plaque, et par des rebondissements mal amenés, au point que certaines scènes prêtent à confusion. C’est bien sur cet aspect que le film se révèle indéfendable, dans son écriture catastrophique incapable de tirer profit de son thème de départ pour en faire le polar furieux qu’il ambitionnait sans doute d’être. Une belle occasion manquée, et c’est bien le plus frustrant.

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