Vif-Argent : Fantôme avec amour

Le cinéma indépendant se genre de plus de plus. Les cinéastes grandissent avec des références fortes comme John Carpenter, Georges Romero ou Wes Craven. N’oublions pas la France avec le cinéma classique qui produisait déjà beaucoup de fantastique teinté de poésie entre Julien Duvivier, Claude Autant-Lara ou Jean Renoir. La nouvelle génération prend cet ascendant avec dernièrement La Nuit a dévoré le Monde, Revenge ou Grave de Julia Ducournau.
Vif-Argent est le premier long-métrage de Stéphane Batut. Il se déroule essentiellement à Paris, dans le 19e arrondissement aux alentours des Buttes-Chaumont. Un homme se réveille sans que personne ne prête attention à lui. Il est comme invisible. Rapidement pris en charge par un inconnu, il comprend sa mort et prend conscience de sa condition de fantôme. L’homme s’appelle Juste et devient un passeur de souvenirs avant que les morts passent les portes de l’Au-Delà. Mais un jour, une femme le reconnaît dans le métro, souvenir d’un amour évanoui en Turquie. Commence alors une relation entre eux.

Drôle de premier film pour une proposition couillue de la part de Stéphane Batut. Il faut avouer que nous sommes décontenancés au départ ne sachant pas trop où mettre les pieds, puis on se laisse prendre à l’univers du film. On est bien aidé par Thimotée Robart, jeune premier qui trouve un joli rôle de fantôme qui tombe amoureux d’une humaine. Le film évite toutes explications sur certains aspects se laissant le passe-droit de faciliter le déroulement de l’oeuvre. On se plonge rapidement dans cette belle histoire d’amour nourrie de souvenir évanescent ne sachant jamais réellement s’il est ce fameux gars croisé en Turquie. Vif-Argent déroule sans anicroche le chemin d’un homme qui trouve sa place dans ce monde via sa posture de fantôme, alors que vivant, il vivotait sans domicile fixe. D’où sa mort mystérieuse au cœur des Buttes-Chaumont dont on saura à peine plus via le policier mort rencontré plus tard dans le récit. 

Stéphane Batut développe un univers de mort avec une douce poésie. Il y a comme une impression d’évanescence dans Vif-Argent qui nous permet de circuler dans un Paris agréable. La ville se prête à ce fantastique pur et classique et se prête à l’amour entre deux jeunes perdus qui trouvent le complément manquant dans leurs vies. Puis Juste trouve sa place puis reparle à son père, séquence à l’émotion forte. En une belle séquence, Antoine Chappey, que l’on voit peu au cinéma, imprime toute l’émotion nécessaire pour donner la pulsion sensationnelle au film. Le film prend à ce moment précis une autre dimension, une perspective envers son fils de tout faire pour continuer à aimer et combattre sa condition. Juste comprend qu’il était entouré d’amour et que sa mort est le résultat de la bêtise de la vie. 

Vif-Argent est une découverte surprenante. Si le film n’évite pas certains défauts de rythme et joue de ses facilités, il possède en lui une émotion forte conduite par une poésie tendre et parfumée. On n’oubliera pas de citer la scène d’amour entre Agathe et Juste, forte et passionnelle renvoyant bizarrement à une référence directe qu’est Ghost de Jerry Zucker. On pense aussi à A Ghost Story, autre film indépendant américain fort par sa proposition faite par David Lowery. Stéphane Batut devient alors un cinéaste à suivre grâce à ce premier essai des plus intéressant et pertinent en termes de fantastique dans le cinéma français contemporain. 

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