China Gate : Commando explosif

Cinéaste précieux, largement remis sur le devant de la scène l’année dernière via une rétrospective à la Cinémathèque et la sortie quasi-simultanée de différents ouvrages lui étant consacré, Samuel Fuller est une fois de plus dans l’actualité grâce à Carlotta Films qui a édité depuis le 12 juin dernier China Gate en Blu-ray et DVD. L’occasion de se plonger dans un jalon majeur de sa filmographie, film de guerre exotique surprenant de bout en bout, prouvant une fois de plus la singularité du ton de Fuller qui n’a jamais fait comme les autres.

Le film se passe en 1954 en Indochine. Alors que la fin de la guerre approche, un commando de la Légion étrangère doit détruire des tunnels renfermant un stock d’armes appartenant aux communistes. Mais seule Lucky Legs, séduisante Eurasienne trafiquante d’alcool est à même de conduire le commando à travers la région hostile. Or, l’un des membres de ce commando n’est autre que le sergent Brock, son ex-mari qui l’a quitté le jour où elle a accouché de leur fils dont il n’a pu supporter les yeux bridés… La mission va s’avérer aussi dangereuse que tendue…

De cette histoire, Samuel Fuller tire un film incroyable, traversé par de sacrées fulgurances dont lui seul a le secret, capable de dynamiter les codes d’un genre et nos attentes en une poignée de séquences à la violence sèche, arrivant sans prévenir. C’est toute la force de son cinéma, celui de nous attacher à des personnages faillibles, pas forcément sympathiques (le sergent Brock n’étant qu’un raciste patenté à première vue) mais d’y insuffler une humanité et de prendre le spectateur ‘’par les couilles’’ comme Fuller le dit lui-même dans son autobiographie.

Dans le genre qui nous prend par les couilles, China Gate se pose d’ailleurs comme un modèle, le cinéaste distillant son expérience de la guerre dans plusieurs de ses personnages (notamment celui joué par Nat King Cole qui fit partie de la Big Red One dont Fuller tirera un fabuleux film en 1980), s’acharnant depuis le début de sa carrière à montrer que la guerre n’a rien d’honorable, qu’elle ne fait que semer la mort parmi des gens qui ne sont que des êtres humains, ni des gentils, ni des méchants. La troupe hétéroclite dont le sergent Brock fait partie n’a de cesse de faire passer ce message mais c’est le personnage de Lucky Legs, interprété par la divine Angie Dickinson qui est tout le moteur du film. Acceptant la mission afin de pouvoir emmener son fils en Amérique, elle ne fait que se battre pour lui et se montre beaucoup plus forte que tous les autres personnages masculins, nous gratifiant dans le troisième acte de deux décisions majeures en moins d’une minute de film ! Le final, explosif et tourné dans un décor particulièrement superbe, se montrera osé jusqu’au bout, proposant une belle conclusion à son récit, prouvant le goût de Fuller pour l’humanisme le plus total.

Intense, mené tambour battant et bourré d’une énergie particulière, China Gate s’impose donc comme un Fuller à découvrir d’urgence, permettant de réaliser une fois de plus combien ce cinéaste est plus important qu’on le pense.

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