L’Emmurée Vivante : Visions des fantômes passés et futurs

Des quatre films de Lucio Fulci ressortis sous la houlette des Films du Camélia, L’emmurée vivante, réalisé en 1977, apparaît de prime abord comme le plus classique d’entre eux. Formellement, on est dans un registre plus sage que les expérimentations de Perversion Story et du Venin de la peur et sur le fond, c’est moins féroce que l’implacable La longue nuit de l’exorcisme. Mais ce n’est pas pour autant que le film manque d’intérêt, parvenant à captiver l’attention du spectateur dès son ouverture avec un suicide où l’on voit une femme se jeter du haut d’une falaise, se déchirer le visage contre des rochers puis atterrir lourdement sur le sol. Dans un autre pays, à des kilomètres de là, la jeune Virginia perçoit cette mort, celle de sa mère.

Des années plus tard, Virginia est mariée à Francesco et toujours assaillie par des visions. Lorsqu’elle se retrouve dans l’ancienne maison familiale de son mari, elle sait que l’un des murs abrite un cadavre. Quand elle le met à jour et qu’il s’avère que le squelette découvert est une jeune femme disparue depuis 4 ans et qu’elle fut la maîtresse de son mari, les soupçons se portent sur lui. Mais Virginia, qui a vu dans sa vision une femme plus âgée et un homme qui boite, est persuadé de l’innocence de Francesco et va mener l’enquête…

Peu de saillies gores donc pour ce film mais essentiellement un travail d’investigation minutieux, Virginia devant, à partir de tous les détails aperçus dans sa vision, tâcher de trouver la clé du mystère. En cela, L’emmurée vivante se rapproche du travail de Dario Argento qui, depuis ses débuts, a souvent mis en scène des personnages ayant vu une scène qu’ils doivent ensuite reconsidérer sous un autre angle pour lever le voile dessus. Il en est de même ici, les détails s’accumulant autour de Virginia, épaississant le mystère jusqu’à la révélation finale, sacrément maline.

De ce script intelligent écrit avec le fidèle complice Roberto Gianviti et le futur fidèle Dardano Sacchetti (que l’on retrouvera aux scénarios de L’enfer des zombies, Frayeurs ou encore L’Au-Delà), Lucio Fulci tire donc un thriller prenant teinté de surnaturel, mariant les deux sans rougir, même s’il se fend parfois de tics de mise en scène répétés jusqu’à la nausée, à l’image de ces nombreux gros plans sur les yeux de Virginia (mais les yeux de la trop rare Jennifer O’Neill sont si beaux, on le comprend…). Tout en arrivant à ancrer les visions de Virginia dans le réel, créant un monde froid aux teintes grisâtres (exception faite d’un décor particulier), Lucio Fulci nous offre une nouvelle histoire de meurtres, de manipulation et de trahison, des thématiques déjà présentes dans Perversion Story ou Le Venin de la peur, montrant la belle confiance qu’il a dans l’espèce humaine.

Après vingt premières minutes un peu laborieuses où le film peine à montrer où il va, L’emmurée vivante finit par totalement nous embarquer dans son récit et offre de vrais moments de tension relevés par une partition musicale particulièrement entêtante, nous plongeant au cœur d’une intrigue tortueuse dont on savoure les moindres détails. Et ce jusque dans son dénouement, joli moment de suspense que l’on taira évidemment pour vous laisser le soin de le découvrir avec la seule certitude, c’est qu’il vous fera remettre en question votre première vision du film pour le revoir d’un œil neuf. C’est aussi ça l’apanage des grands films.

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