The Operative : Pion parmi les pions

Il y a généralement deux sortes de distinction dans le cinéma d’espionnage. Celui qui fait tout exploser de partout façon James Bond ou Mission : Impossible avec courses-poursuites spectaculaires, scènes d’action incessantes et exotisme permanent ou celui qui prend un parti plus réaliste façon Harry Palmer ou John Le Carré. The Operative appartient clairement à la deuxième catégorie, celui d’un cinéma à la farouche volonté de réalisme mais qui n’en est pas moins nerveux, nous plongeant au cœur de rouages nous dépassant à mesure que l’on réalise que le métier d’espion demande un mental particulièrement solide.

Adapté d’un roman écrit par Yiftach Reicher Atir, ancien agent de renseignement du Mossad, le film nous plonge au sein d’arcanes d’espionnage loin d’être spectaculaires, faites de longues couvertures à établir, de dures décisions à prendre, de jeux de dupes et de pouvoir. The Operative suit ainsi le parcours de Rachel, recrutée par le Mossad pour s’infiltrer en Iran. Des raisons qui l’ont poussé à devenir espionne, on ne saura rien. Mais de la pression continuelle qu’elle subit, on saura tout. Là où certaines œuvres adaptées de John Le Carré comme La Taupe nous perdait dans un méandre d’intrigues et de personnages froids, The Operative nous fait immédiatement entrer en empathie avec Rachel dont on partage le stress permanent, la difficulté de vivre sous une fausse identité et la dureté de ce métier où un innocent peut se faire abattre pour la réussite d’une mission…

Malin, The Operative passionne ainsi par différentes bribes, alors que Thomas (impeccable Martin Freeman), ancien superviseur de Rachel, tente de la retrouver alors qu’elle a disparu sans laisser de traces, se rappelant de son parcours. Incarnée par une Diane Kruger à la force de conviction décidément étonnante, Rachel est un personnage au passé opaque mais dont on partage le stress émotionnel de bout en bout, notamment face à des situations tendues, loin d’être spectaculaires certes, mais néanmoins remplies d’enjeux. On saluera notamment l’intelligence d’écriture du film qui offre à son personnage une romance de nature convenue (avec l’homme qu’elle est censé épier, forcément, incarné par le surprenant Cas Anvar, aperçu dans Lost mais aussi dans The Expanse et The Strain) mais dont la profondeur permet d’offrir au récit une bouée de sauvetage émotionnelle bienvenue.

Ce thriller d’espionnage, pensé comme un drame intime par Yuval Adler, son réalisateur, se montre alors redoutable jusque dans son dénouement haletant, mettant particulièrement en avant la façon dont les agents de terrain sont utilisés puis jetés au gré de la volonté des bureaucrates, se prévalant d’effarants droits de vie ou de mort au nom du bien commun. Pas étonnant que le roman écrit par Yiftach Reicher Atir se soit vu fortement censuré en Israël quand on voit la teneur assez explosive du scénario, nous offrant l’un des films d’espionnage les plus intelligents et les plus pertinents de ces dernières années.

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