Édito – Semaine 28

L’événement de la semaine n’est pas la sortie du nouvel opus de la saga Annabelle qui en est déjà à son troisième épisode. Trois films dérivés des enquêtes du couple Warren qui a cette fois-ci la bonne idée de partir en week-end laissant leur gamine avec une baby-sitter pas loin d’une pièce aux objets démoniaques. On applaudit haut et fort les parents !

Cette semaine, ce n’est pas non plus Tonton Luc qui fait l’événement, à défaut d’une suite aux aventures de Laureline et Valérian qui ne verra jamais le jour, avec son nouveau film, Anna. Le film a profité lâchement de la fête du cinéma pour convaincre tout le monde du désintérêt général envers le film, deux ans après le flop monstrueux de La Cité des Mille Planètes. Il est clair que Luc Besson va avoir beaucoup de mal à se remettre du flop d’Anna, synthèse du cinéma d’un homme qui se rêvait nabab pour mieux finir déchu de son trône autoproclamé. Luc Besson ne fait plus recette, pire n’inspire plus rien d’autre que de la pitié. Pourtant on adore son cinéma depuis toujours, nous qui avons grandi avec Nikita, Léon, Le Cinquième Element et Le Grand Bleu

L’événement cette semaine est sans commune mesure la ressortie restaurée en 4K des Aventures de Rabbi Jacob. Louis de Funès fait sensation en pleine période de blockbuster avec le retour des tribulations de Monsieur Pivert, homme d’affaires irascible et foncièrement xénophobe. Au cœur de notre société aux maux évidents, faire de la ressortie d’un tel film un événement est une prouesse en soi. Film populaire largement diffusé à la télévision au fil des années, mais totalement ignoré par les nouvelles générations préférant s’extasier devant les boobs bronzés de mégères effarouchées et de gogo bodybuildés aux fautes d’orthographe verbales assumées sur la TNT, Rabbi Jacob est un monstre de cinéma antédiluvien.
Qui s’extasie aujourd’hui à la cour de récré, voire à la machine à café, d’avoir découvert le film la veille au soir ? Plus personne ne découvre et n’apprécie Rabbi Jacob, les millions de spectateurs sur France 2 les soirs d’élection sont ceux qui mettent le film en fond de salon ou préfère éviter les promesses absurdes et intenables de possibles candidats jamais loin de la posture de Monsieur Pivert. 

Pourtant Les Aventures de Rabbi Jacob est un film monument, du populisme au message positif où Louis de Funès est la caricature du français moyen de l’époque faisant face aux multiples épreuves de la société d’alors. Une récurrence chez l’acteur phare de cette génération ayant fait face aux hippies, l’émancipation de la jeunesse, l’espionnage et les questions relatives à Israël et la Palestine, la Pop culture (Fantomas), le nudisme, le remariage, les extra-terrestres, la vieillesse et sa solitude ou encore l’opportunisme industriel que les années 70/80 vont sentir poindre le bout de son nez entre les centres de vacances et les hypermarchés.

De Funès n’était pas dans Le Grand Bazar, mais il a joué de celui de ses années sous les présidences successives de De Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand. Louis de Funès s’est joué de ses modifications d’époques qui nous ont amenés à aujourd’hui, nouveau grand bazar entre idioties et « je-m’en-foutisme ». Ce qui crée l’amorce d’un début d’oubli de l’acteur remplacé par Jamel Debbouze ou Kev Adams dans le cœur des générations post-2000. Pire si l’on compte les célébrités venues de YouTube au cœur d’un cinéma français qui n’a jamais réussi à faire mieux depuis 30 ans et la mort de l’acteur. Nous avons déjà hâte de découvrir l’exposition lui étant consacrée pour 2020 par la cinémathèque française, et repartir vers un ailleurs où définitivement c’est mieux quand même ?

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