Vita & Virginia : Naissance d’une passion

Le cinéma s’est toujours pris de passion pour les écrivains, de préférence tourmentés (mais ne le sont-ils pas tous ?) et ces derniers temps, ce sont ceux qui ont eu des mœurs dissolues pour leur époque (Oscar Wilde avec The Happy Prince, Colette avec le film éponyme) qui semblent plaire, avec la volonté de la part des producteurs de mettre en avant ces esprits libres, en avance sur leur temps. Cette fois, c’est au tour de Virginia Woolf d’être au cœur d’un film, racontant sa relation avec Vita Sackville-West au cœur des années 20 qui lui a inspiré le roman Orlando. Mais comment raconter une telle histoire sans sombrer dans les clichés d’un genre sentant parfois la poussière ?

Et bien en optant pour une approche moderne, histoire de changer un peu des décors austères et de la grisâtre ambiante. Adaptant une pièce de Eileen Atkins qui racontait déjà la relation entre Vita et Virginia en se basant sur leurs nombreuses correspondances, Chanya Button (dont c’est ici le deuxième long-métrage) opte pour une mise en scène lumineuse n’ayant pas peur des effets théâtraux (la lecture des lettres des personnages faites face caméra), se reposant sur une musique moderne de Isobel Waller-Bridge pour dynamiter un peu un genre très corseté.

L’élégance de la mise en scène et l’intelligence du scénario, n’ayant pas l’ambition de nous montrer comment un artiste crée mais comment il peut être inspiré, s’apprécient alors très vite et si les étapes du voyage ont l’air balisées, Vita & Virginia n’en demeure pas moins fort plaisant de par la façon dont il décrit les mœurs de l’époque et nous plonge au sein d’un microcosme bouillonnant de créativité ne demandant qu’à être libérée.

La réussite du film tient alors dans ses deux héroïnes. Alors que leurs maris respectifs n’ont guère d’autre choix que de les laisser s’adonner à leur relation, s’avouant bien incapables de les retenir, Vita et Virginia se révèlent comme des esprits libres pourtant bien différents. En Vita  Sackville-West, Gemma Arterton fait des merveilles. Volubile, extravagante, pleine d’énergie, entreprenante, elle compose un personnage de séductrice particulièrement savoureux dont on devine toutes les pulsions sous ses différents costumes. En Virginia Woolf, Elizabeth Debicki a enfin l’occasion de briller dans un rôle à la hauteur du charisme incroyable qu’elle dégage et on espère vraiment avoir l’occasion de la revoir ainsi. Magnétique, insaisissable, fragile, libre d’esprit, Debicki compose une Virginia Woolf touchante dont on partage le désarroi sans en saisir pour autant toute la profondeur.

Romantique mais pas suranné, moderne mais pas tapageur, Vita & Virginia sait se montrer surprenant, captant avec justesse ces instants où le désir monte, faisant le portrait d’une époque passionnante et donnant envie (et c’est peut-être finalement à ça que servent ces films) de lire et relire encore Virginia Woolf.

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