Silence : Garder la foi

Aussi étrange que cela puisse paraître, même à la sortie du Silence de Martin Scorsese, on n’avait guère entendu parler de la première adaptation du roman de Shusaku Endo, réalisée en 1971 par Masahiro Shinoda. La chose est réparée désormais grâce à Carlotta, toujours prompt à sortir de sa musette de sacrés titres. En l’occurrence, grâce à l’initiative du distributeur, Silence sortira pour la première fois en salles en France le 19 juin.

L’occasion idéale de se frotter au film, qui en laissera néanmoins plus d’un sur le côté. A l’instar du film de Scorsese (qui disposait cependant de plus de cœur et plus de souffle), Silence est une œuvre hermétique. Ce parcours du père Rodrigues, jésuite venu au Japon du XVIIème siècle pour y retrouver son mentor, garde évidemment la trame essentielle du roman et ce notamment parce que Endo a aidé à l’écriture du scénario. Face à la persécution incessante des chrétiens dans ce Japon prêt à s’ostraciser (le pays fermera ses portes aux étrangers durant près de deux siècles en 1641), le père Rodrigues sera soumis à de nombreuses tortures afin qu’il renonce à sa foi. Car pour le gouvernement, un homme de foi qui renonce est un message fort qu’il désire faire passer. Rodrigues va donc lutter pour garder la foi en dépit des souffrances auxquelles il assiste et qui restent sans réponse de la part de Dieu.

D’un roman passionnant et complexe, foisonnant de questionnements sur la foi (Peut-on la renier publiquement et y croire encore malgré tout ? Endurer la souffrance la renforce-t-elle ou la diminue-t-elle ? Combien de temps peut-on souffrir en martyr avant de craquer ? Pourquoi souffre-t-on, pour nous ou pour les autres ?), Masahiro Shinoda tire un film esthétiquement sublime mais résolument fermé (c’est d’ailleurs le sujet du film, l’enfermement physique, géographique mais aussi philosophique de Rodrigues). En effet, on peine à véritablement s’attacher au calvaire de Rodrigues, se demandant pourquoi il refuse avec un acharnement borné à piétiner une simple image de Jésus qui ne l’empêche en rien de conserver sa foi. Son conflit intérieur, retranscrit à l’écran avec difficulté, manque de totalement convaincre en dépit d’une mise en scène assez inspirée, mêlant habilement zones d’ombres et zones de lumières.

La proposition de Silence est donc très belle sans pour autant arriver à pleinement nous embarquer. L’ambition du film, liée à quelques éléments étranges (c’est l’acteur japonais Tetsurô Tanba qui joue le mentor de Rodrigues, censé être portugais) vient donner un ton bien particulier à l’ensemble, le rendant unique en son genre, proposant une réflexion passionnante sur la foi et ce qui fait notre humanité, aidé par la musique particulièrement enivrante de Tôru Takemitsu (à qui l’on doit la formidable composition musicale de Ran). Une découverte exigeante à qui l’on préférera cependant son adaptation plus récente.

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