Qui a tué le chat ? : La mesquinerie élevée au rang d’art

Décidément la comédie italienne est à l’honneur des ressorties en version restaurée ces derniers temps ! Après l’hilarant Divorce à l’italienne ressorti le 15 mai dernier, le grinçant Qui a tué le chat ? bénéficie d’une sortie en version restaurée de haut vol dès le 29 mai sous la houlette de Tamasa Distribution ! L’occasion de se pencher avec une joie non dissimulée sur cette pépite d’humour noir, confirmant la haute autorité des italiens dès qu’il s’agit de mettre en scène des personnages parfaitement détestables auxquels on arrive malgré tout à s’accrocher.

Qui a tué le chat ? met en scène un frère et une sœur, Amedeo et Ofelia. A la mort de leur père, ils ont hérité d’un vieil immeuble délabré dans le cœur de Rome. Un promoteur leur en propose une coquette somme d’argent pour le racheter et le raser mais pour cela, l’immeuble doit être vide. Amedeo et Ofelia vont donc tout faire pour virer leurs derniers locataires, fouinant un peu partout dans leurs vies. La mort de leur chat, vraisemblablement tué par un des locataires, va leur donner l’occasion de pousser leur enquête et mettre à jour des secrets peu reluisants…

Dans un décor d’appartement fabuleux créé par Dante Ferretti (l’un des grands chefs décorateurs de l’histoire du cinéma, ayant travaillé sur Le Nom de la Rose ou encore Gangs of New York) et sur une superbe partition d’Ennio Morricone, Luigi Comencini met en scène une galerie de personnages hauts en couleur, aux traits de caractère excessifs, soulignant leurs pires défauts. Et pour cause, si Amedeo et Ofelia forment un couple parfaitement abject, se montrant veules, égoïstes, mesquins et pervers (lui ne pense qu’à l’argent, ne fait que mater la voisine aux mœurs légères, elle adore les romans policiers et a des pulsions sexuelles dès qu’elle voit le prêtre de leur immeuble) et qu’ils ne mènent l’enquête sur leurs locataires simplement pour des raisons matérielles, ils n’en mettent pas moins à jour de terribles secrets, démantelant au passage un bordel, un réseau de trafic de drogue et des combines de la mafia !

Pour Comencini, tout le monde est pourri et il faut bien la naïveté du commissaire de police (incarné par Michel Galabru) pour passer totalement à côté de ça. Dans Qui a tué le chat ?, tout le monde en prend pour son grade. Et si le prêtre ne cédera pas aux poses lascives d’Ofelia (surprenante Mariangela Melato), sachant très bien que de toute façon l’Église ne punit plus depuis longtemps les pervers, ce sont ses idées radicales qui le feront partir de l’appartement. Ce petit monde que Comencini filme n’est finalement que le reflet d’une Italie en perdition de tout au cœur des terribles Années de plomb. Les valeurs morales s’effritent, le lien social disparaît, chacun ne pense qu’à son profit, ne se préoccupe pas des autres. Amaedeo et Ofelia peuvent bien embêter le commissaire avec leur histoire de chat mort, lui a autre chose à faire, les braquages, les explosions et les violences ne se cantonnent pas qu’à un seul endroit de la ville et du pays.

Génial dans sa façon de verser dans l’excès sans jamais sembler incongru (bien au contraire !), Qui a tué le chat ? est un des sommets de la carrière de Comencini, le cinéaste n’hésitant pas à frapper fort, offrant à Ugo Tognazzi un rôle en or, celui d’un type mesquin, plus obsédé par l’argent que par les femmes, prenant son pied en s’imaginant surprendre sa sœur au lit avec le prêtre. L’acteur force le trait sous la houlette de Comencini mais reste juste en permanence, confinant à son salaud de personnage une humanité indéniable, une qualité reconnaissable entre mille dans le cinéma italien de l’époque, nous faisant regarder droit dans les yeux notre propre bassesse pour mieux en rire.

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