Stubby : Petit chien pour une Grande Guerre

Adapter une histoire vraie de la Première Guerre mondiale au format animé en prenant le parti d’essayer d’intéresser les plus jeunes, voilà le pari de Stubby. Il faut dire que l’histoire insolite de ce compagnon canin rejoignant l’armée américaine a tout pour séduire. Mais il ne fallait pas oublier pour autant le cadre tragique : la guerre qui fait rage en Europe. La France est en proie à des batailles qui la défigurent un peu plus chaque jour, dans ce contexte, difficile de rendre compte des enjeux de cette mesure tout en n’en montrant pas un minimum les horreurs.

Pourtant, Stubby parvient à réaliser ce tour de force avec une maîtrise qui force le respect. Commencer dans la caserne américaine où Stubby trouve refuge et non directement sous les feux ennemis, c’est aussi pour préparer ce mélange entre un cadre strict et des moments plus chaleureux. Le petit canidé va, comme on s’y attend, attendrir petit à petit la division Yankee jusqu’aux plus hauts gradés. Le déroulement de cette partie est plutôt plan-plan (on devine par exemple que l’exercice contre le gaz toxique prépare à une future scène de bataille), les vignettes de la vie de caserne s’enchaînant  avec Stubby et ses compagnons de chambrée : Robert Conroy, son maître au grand cœur qui l’a recueilli, Helmer Olsen, le bavard plus sensible qu’il n’en a l’air et Hans Schroeder, citoyen américain d’origine allemande, qui offre un point de vue intéressant sur le conflit et le patriotisme américain.

La division finit par être débarquée en France, au Chemin des Dames. C’est ici que le problème de la représentation se pose. Et Richard Lanni, le réalisateur, qui vient du monde du documentaire, connaît bien son sujet. C’est en tombant sur l’histoire de Stubby qu’il décida d’en faire un film d’animation, pour sensibiliser le jeune public, sans jamais l’infantiliser. Mais alors comment ne pas le faire fuir ? Le marquer sans le dégouter ? En ayant parfaitement conscience de l’outil cinéma, tout simplement. D’abord, en ayant recours au studio Mikros Animation (Astérix et le Domaine des Dieux, Astérix et le Secret de la Potion Magique ou encore Le Petit Prince), pour animer Stubby et ses amis pour un résultat aussi simple dans ses textures et ses formes, qu’il est beau et convaincant. Puis en montrant d’emblée qu’on ne prend pas le public pour un idiot, en ne faisant par exemple pas parler Stubby : le jeune chien restera un chien et devra se faire comprendre des personnages comme du spectateur, avec ses mouvements et ses aboiements. Le spectateur est aussi mis à contribution lorsqu’il devra comprendre ce qui se déroule devant ses yeux, mais aussi et surtout, ce qui est supposé.

L’horreur se passe en hors-champs, pendant les ellipses, sur des cartes accompagnées d’un autre style d’animation (en 2D cette fois) et de bruits de canon. Le non-dit est fort ici, mais ses conséquences sur les personnages sont, elles, bien marquées. On ne montre pas, on rend compte. On ne tue pas à l’écran, on sauve des vies, grâce à Stubby. Il en va de même pour la représentation de l’ennemi : si l’on a vu plus tôt un entraînement contre le gaz, c’est pour les représenter masqués, un ennemi sans visage, qui montre avant tout l’absurdité de la guerre avant de blâmer un peuple entier. Un seul visage ennemi (un espion débusqué par Stubby) nous sera présenté alors que le conflit touche à sa fin, un visage banal, aussi banal que celui de Conroy ou que n’importe quel autre soldat embarqué dans un événement qui les dépasse. On ne nous épargne que l’horreur physique, mais rien d’autre, jusqu’à nous montrer la cruauté de ces dernières victimes envoyées à la mort quelques minutes avant l’Armistice.

Au milieu de toute cette folie, ce qui ressort pour tenir, ce sont les relations fortes qui se tissent entre les protagonistes. Bien que Helmer et Hans soient relégués au second plan dans la deuxième partie du film (sans pour autant perdre tout intérêt), les hauts faits de Stubby et l’apparition de Gaston Baptiste, soldat de l’infanterie française, viendront réchauffer les cœurs. Ce dernier est doublé par Gérard Depardieu et cela se sent immédiatement. Gaston est un ancien chef cuisinier, bon vivant et bien franchouillard, ce qui correspond à merveille à notre Gégé national, il faut bien le reconnaître. Un rôle de composition qui ne s’arrête pas juste à l’amour du bon pinard et du frometon dégoulinant bien de chez nous, mais qui communique un amour de la France qui fait du bien. Gaston renvoie au placard les idiots pavloviens qui parleraient alors de « beauf », tant le personnage — qui reprend certes des éléments de clichés à droite-à gauche (quelques notes d’accordéon l’accompagnent en fond, parfois des notes de la Marseillaise) — est finalement cohérent et avant tout sincère.

Ne cherchant jamais à moquer ou à blâmer, Stubby tient avant tout à montrer la beauté des rapports humains (et canins) dans les moments les plus difficiles, à verser dans les bons sentiments les plus honnêtes, sans être mièvre. Un biopic qui ne sombre ni dans l’académisme, ni dans le tire-larmes facile, c’est déjà une prouesse en soi. Derrière cette histoire d’amitié, de force de caractère devant l’adversité, il y a une bienveillance de tous les instants, à l’égard du public, des personnages, mais aussi de l’Histoire.

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