The Silence : La mort vient d’en haut

John R. Leonetti… Voilà un nom qui fait trembler les cinéphiles depuis quelques années. Directeur de la photographie plutôt doué à qui l’on doit les images des excellents The Mask, Dead Silence, Conjuring ou encore les trois premiers volets de la saga Insidious. On ne peut pas en dire autant de son palmarès en tant que réalisateur. Parmi les étrons notables qu’on adore détester, on lui accordera nos plus beaux fous rires devant Mortal Kombat : Destruction Finale. On lui laissera passer également le sympathique, mais loin d’être marquant, Effet Papillon 2. En revanche, on ne pourra absolument pas lui concéder un quelconque pardon pour les ignominies que furent Annabelle et I Wish. Voilà en quelques lignes le palmarès hasardeux de ce réalisateur qui a l’art de nous aguicher avec des projets qu’il ne sait absolument pas mener à bien lorsqu’il sort de sa zone de confort, à savoir la photographie. N’est pas réalisateur qui veut. Et pourtant, nous nous sommes toujours jetés sur ses films dans l’espoir d’y trouver une inspiration à la hauteur des magnifiques photos qu’il sait et peut faire. C’est ainsi qu’on retrouve l’énergumène aux commandes de The Silence. Nouveau film produit par Netflix et adapté du roman éponyme de Tim Lebbon, The Silence s’impose comme le film post-apocalyptique horrifique du moment, propulsé en tête du catalogue de la plate-forme.
On y fait la connaissance de la famille Andrews qui tente de survivre à une attaque de créatures volantes ressemblants à des chauve-souris particulièrement voraces. Ces créatures, aveugles, attaquent en meute et repèrent leurs proies grâce aux bruits qu’elles font. Il s’agira pour la famille Andrews d’être la plus silencieuse possible afin de tenter de survivre au sein de ce nouveau monde en ruine qui se dessinera sous ses yeux.

Après nous avoir privés de la vue il y a quelques mois avec Bird Box, Netflix remet le couvert dans un projet similaire en s’attaquant cette fois-ci à l’ouïe. Impossible de ne pas faire le parallèle avec Sans Un Bruit, le film de John Krasinski sorti l’été dernier. Nous nous attendions donc à des séquences à la tension palpable, mais surtout à un montage sonore d’un très bel acabit, comme ce fut le cas pour le film de Krasinski susmentionné. Il n’en sera rien. Bien loin d’être un navet intersidéral, The Silence se pose surtout comme un film qui mise tout sur la notion de divertissement. Allant chercher dignement ses inspirations dans Les Oiseaux, Walking Dead et autres films/jeux-vidéos ayant une thématique similaire, The Silence emmène le spectateur en terrain connu. Dévoilant assez rapidement l’aspect de ses créatures pour annihiler les attentes, Leonetti s’attarde surtout sur les liens familiaux qui unissent les Andrews.
Et il faut bien avouer que le casting s’en sort parfaitement. A commencer par la jeune Kiernan Shipka qui, du haut de ses 19 ans, porte merveilleusement le projet. Elle interprète la fille aînée de la famille qui a la particularité d’avoir perdu l’ouïe lors d’un accident de voiture. Le personnage d’Ally n’est pas née sourde. C’est un atout qui sera autant une faiblesse au film qu’une force. En effet, nous serons souvent bercés par la voix-off d’Ally. Cette dernière s’adresse également à ses proches en parlant et non pas uniquement via la langue des signes. Malheureusement, lui conférer la parole enlève un certain panel d’émotions que l’actrice aurait pu développer si elle n’avait eu que la gestuelle à gérer… là où ça fonctionnait à merveille dans Sans Un Bruit. Un petit point noir qui n’entache rien au plaisir que nous avons à suivre la survie de cette famille. D’autant que les parents sont campés par Stanley Tucci (le genre de second couteau au visage identifiable parmi mille, mais dont personne ne connaît jamais vraiment le nom, que l’on a pu apercevoir dans Le Terminal, Lovely Bones, Hunger Games, Le Diable S’habille en Prada ou encore Spotlight) et Miranda Otto (Eowyn dans Le Seigneur des Anneaux) qui sortent de leur zone de confort pour la plus grande crédibilité du scénario. On les sent perdus, à la recherche du ton juste et surtout non habitués à ce genre de rôle. De ce fait, l’attitude maladroite des acteurs rend les actions et leurs personnages plausibles. Ils n’ont qu’une idée en tête : protéger leur famille. Leur couple est à l’image de ce qu’on pourrait attendre d’une famille lambda en cas de fin du monde, voilà ce qui rend leur rôle vrai.

Techniquement, Leonetti ose une réalisation simple et efficace, mais, pour une fois, solide et maîtrisée. Il ne cherche pas à singer les réalisateurs pour lesquels il a travaillé auparavant (coucou Annabelle, oui, oui, on parle de toi). On regrettera une photographie un peu terne et des effets spéciaux de mauvaise facture. La photo flirte avec un aspect téléfilm à gros budget. Loin de nous déplaire, on a eu l’impression de tomber sur la petite série B que l’on prenait plaisir à louer à l’époque des vidéo-clubs. Ce qui rend le résultat décevant provient du fait qu’on sait Leonetti capable de soigner ses images. En choisissant de déléguer ce poste à quelqu’un d’autre, il prouve, une fois de plus, qu’il est incapable d’avoir les épaules d’un grand réalisateur. Il ne sait pas gérer tous les impératifs inhérents à un tournage. On aimerait un caractère plus affirmé de sa part et un réel parti pris. Ceci dit, The Silence demeure, actuellement, son meilleur film… La progression se fait ressentir, peut-être qu’il arrivera à se transcender un jour, c’est tout le mal qu’on lui souhaite.
Mais là où le bat blesse réside dans les effets spéciaux d’un très très mauvais goût. Les créatures auraient gagné en force d’impact à ne pas être entièrement numérisé. Pour sûr que le film fera très daté d’ici quelques années. Probablement que la volonté du réalisateur doit s’arrêter au simple fait de vouloir divertir à l’instant T. On n’y sent vraiment pas l’envie de marquer les esprits, ni même l’envie d’inciter le spectateur à y revenir plusieurs fois pour en extraire la substantifique moelle. The Silence est un produit de consommation à mi-chemin entre la junk food et le restaurant traditionnel. Pas assez inconsistant pour ne pas avoir envie d’y revenir, mais pas suffisamment affirmé non plus. On notera, toutefois, un dernier acte flamboyant. L’introduction dans l’histoire d’une menace qui éclipse quelque peu les créatures offre un souffle inattendu au récit. Le personnage du révérend fait froid dans le dos. On aurait aimé que ce troisième acte dure plus longtemps. D’autant que la fin du film laissera plusieurs problèmes en suspens. Le film se conclue beaucoup trop rapidement et de manière un peu abrupte. Il manque un bon quart d’heure à The Silence pour amorcer sa conclusion comme il aurait du le faire. C’est dommage…

En dépit de ses défauts, The Silence s’apprécie comme une série B sympathique qui n’a rien à envier aux films qu’on louait le vendredi soir pour le week-end pizzas avec les copains. Leonetti montre qu’il sait et peut tempérer sa réalisation quand il n’essaie pas de plagier ses maîtres. Enfin, le casting est assez charismatique pour embarquer le spectateur au cœur de l’histoire. The Silence est un film qu’on prend plaisir à voir sur le moment… Mais sur lequel on ne reviendra pas nécessairement par la suite, à l’instar de son grand frère, Sans Un Bruit, qui, lui, avait les mêmes propositions de cinéma, mais qui savait rester également plaisant, fort et divertissant au second visionnage.

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