François Truffaut et John Huston par Lillian Ross

On l’a vu dernièrement avec leur fabuleux recueil d’entretiens entre Jean-Baptiste Thoret et Peter Bogdanovich, Carlotta n’est pas que l’un des distributeurs et éditeurs majeurs de films, c’est aussi un éditeur avisé s’attaquant à tout ce qui est pertinent dès qu’on touche au cinéma. Et quoi de plus pertinent que de publier deux petits livres regroupant l’ensemble des articles que la journaliste Lillian Ross écrivit pour le New Yorker sur François Truffaut et sur John Huston ?

Disponibles depuis le 24 avril dernier, ces deux livres permettent de mettre en lumière le travail de Lillian Ross, grande critique américaine décédée en 2017 dont le travail est peu connu en France. Et pour cause, son plus grand succès, le livre Picture, premier long reportage journalistique à avoir été écrit sur un tournage (en l’occurrence celui de La charge victorieuse de John Huston), sorti en France sous le titre Un film est un film en 1966 est désormais difficilement trouvable. En attendant de pouvoir lire ce livre toujours disponible en anglais (mais dont on aimerait bien une réédition française), on se contentera donc des deux petits recueils que nous a déniché l’éditeur français, l’un sur John Huston donc et l’autre sur François Truffaut.

Lillian Ross sur le tournage de La charge victorieuse

À première vue, on est un peu effrayé quand on découvre la petitesse des livres. 39 pages pour Truffaut, 83 pour Huston, on se demande si l’on va glaner de précieuses informations. Une fois les deux bouquins dévorés, nous sommes rassurés. Le travail de Carlotta est exhaustif puisque chacun des livres regroupe l’ensemble des articles écrits par Ross pour le New Yorker sur les réalisateurs en question. Cela permet d’apporter un regard nouveau sur le travail des deux cinéastes, bien différents dans leur style et dans leur approche mais similaires par leur même amour du cinéma et de la vie.

Réunissant cinq articles, soit cinq rencontres avec François Truffaut, le livre sur le cinéaste français est passionnant. Ross y pose un regard américain sur le parcours du réalisateur et donc intéressant pour nous français, qui avons tant lu sur Truffaut. Surtout ces cinq articles écrits entre 1960 et 1976 témoignent d’une admiration pour le travail de Truffaut permettant à celui-ci de se livrer. Ces cinq rencontres déroulent ainsi le fil d’une carrière dont on apprend des choses passionnantes. François Truffaut s’y montre prompt à parler de lui, à sa façon d’envisager ses projets, à être très critique envers ses films, affirmant qu’il a réalisé chacun de ses films en réaction au précédent. Jetant une nouvelle lumière sur sa carrière, Truffaut s’y montre prolixe, détendu, on y suit l’évolution de sa mentalité avec curiosité, faisant de ses 39 précieuses pages un bel encouragement à se replonger dans sa filmographie.

François Truffaut et Jean-François Stévenin dans La nuit américaine

Le livre sur John Huston est plus diversifié. Si chacune des rencontres de Ross avec Truffaut prenait la même forme, il n’est pas étonnant de constater que la journaliste est évidemment contrainte de bouger pour se frotter au monstre sacré Huston. Familière du cinéaste depuis son travail sur La charge victorieuse, Lillian Ross semble particulièrement savourer chacune de ses rencontres avec le cinéaste, se déroulant souvent au milieu de ses tournages. Sur les sept articles réunis ici (dont un sur les premiers pas de réalisatrice d’Anjelica Huston), le plus passionnant et le plus détaillé est celui où Ross se rend en Italie visiter le tournage de La Bible où l’on se rend compte du flegme légendaire de John Huston face à une grosse entreprise, de ses capacités d’adaptation face aux aléas, de son intelligence et son grand sens de l’humour. Les autres articles, écrits pendant le tournage de La lettre du Kremlin et de L’honneur des Prizzi, à l’avant-première de Fat City et avant le tournage de A nous la victoire, cernent une fois de plus le caractère de John Huston, cinéaste amoureux des arts et de la vie, filmant des personnages qui lui ressemblent avec un naturel déconcertant.

John Huston en Noé dans La Bible

Pour quiconque souhaitant approfondir ses connaissances sur les deux cinéastes et recueillir quelques précieuses informations sur leurs caractères et leurs carrières respectives, ces deux livres de Lillian Ross s’avèrent donc précieux, permettant de mieux cerner deux hommes entrés dans la légende du cinéma. Carlotta nous a une fois de plus gâtés et l’on espère d’ailleurs plus d’initiatives du genre de leur part, le monde cinéphile ne s’en porterait que mieux !

2 Commentaires

  1. Eh bien si, le livre de Lillian Ross a bien été traduit en français en 1966 et publié par Gallimard (collection L’air du temps) sous le titre « Un film est un film ». Très chouette, c’est un ouvrage qui vaut vraiment le détour.

    Et pour en connaître plus sur Huston, rien de tel que le roman « Chasseur blanc, cœur noir » de Peter Viertel (Presses de la Cité, 1954).

    • Merci pour ces précisions ! Nous savions pour Chasseur blanc, cœur noir mais non pour l’édition française de Picture, malheureusement difficilement trouvable aujourd’hui, une réédition s’imposerait !

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