Cœurs ennemis : Se reconstruire après la guerre

Après Mémoires de jeunesse qui se déroulait pendant la première guerre mondiale, le réalisateur James Kent s’attaque au lendemain de la seconde guerre mondiale avec Cœurs ennemis, une adaptation d’un roman de Rhidian Brook. Que ceux qui en ont trop soupé avec tous ces films se déroulant pendant la seconde guerre mondiale se rassurent car Cœurs Ennemis se penche vers une période assez méconnue de cette partie de l’Histoire, à savoir l’occupation de l’Allemagne par les forces alliées au lendemain de la guerre.

Nous sommes à Hambourg en 1946. En 1943, la ville a été bombardée pendant 5 jours avec une telle force que les alliés y ont lâchés plus de bombes au cours de ce raid que les nazis sur Londres durant toute la guerre. En 1946, la ville n’est qu’un champ de ruines duquel on déterre encore des cadavres et tout est à reconstruire. C’est dans cette optique qu’a été nommé à son poste le colonel Lewis Morgan. Sa femme Rachel le rejoint, espérant pouvoir passer du temps avec son mari. Depuis le décès de leur fils dans un bombardement quelques années plus tôt, le couple a du mal à se parler. Rachel prend donc très mal le fait de devoir habiter dans une maison appartenant à Stephan Lubert, un architecte allemand que son mari n’a pas pris la peine d’expulser. Le couple Morgan vit donc sous le même toit que Stephan et sa fille. Mais peu à peu, l’aversion de Rachel envers Stephan va se muer en désir, lui seul semblant capable de partager sa douleur et son chagrin (il a perdu sa femme pendant la guerre) quand Lewis ne fait que se réfugier dans le travail…

Vous l’aurez compris, il n’y a rien de bien nouveau sous le soleil avec ce drame passionnel aux ficelles finalement classiques. Et de fait, le déroulement narratif de Cœurs Ennemis se fait sans beaucoup de surprises avec parfois un manque de subtilité évident. Force est de reconnaître que le film est cependant réussi, parvenant à créer l’émotion par ses personnages et de l’intérêt par son contexte particulier d’occupation et de reconstruction de la ville d’Hambourg. Contexte que l’on aurait d’ailleurs aimé voir être un peu plus développé, notamment du côté de ces factions d’anciens SS refusant la défaite et s’étant fait tatouer le chiffre 88 sur le bras (H étant la huitième lettre de l’alphabet, cela se traduisait par Heil Hitler) pour continuer avec férocité un combat déjà perdu.

Bien entendu, c’est sur les émotions et les personnages que Cœurs Ennemis se concentre le plus et c’est là qu’il crée l’émotion. Contre toute attente, celle-ci vient majoritairement de Lewis Morgan. D’habitude, les rôles de maris trompés sont les plus ingrats mais Jason Clarke s’en empare avec un talent devenu habituel chez lui. A l’instar de son compatriote Joel Edgerton, Jason Clarke a une vraie science du jeu, cette façon de mener sa carrière sans faire de grandes étincelles mais en s’imposant comme une valeur sûre dès qu’on fait appel à lui. Il donne ici à Lewis Morgan une épaisseur formidable et l’on devine toute la détresse de son personnage dans son jeu renfermé. Keira Knightley (décidément toujours abonnée aux mêmes types de rôles) et Alexander Skarsgard, bien que convaincants, s’en sortent moins bien, les deux se retrouvant dans un registre plus convenu.

Cela ne nous empêchera pas de passer un bon moment devant le film à condition d’apprécier un bon drame passionnel, interprété avec fièvre. Au-delà de sa romance, Cœurs Ennemis vient alors rappeler combien le chagrin n’a pas de frontières et combien il est dur de le partager et de le surmonter. Ce rapprochement entre deux êtres vient donner espoir dans l’humanité, une humanité capable d’oublier la haine de l’autre pour privilégier l’amour et la compréhension. On a beau n’apprendre rien de nouveau via cette histoire, ça ne fait pas de mal de se le rappeler de temps en temps…

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