Captive State : Contrôle pas si total

Réalisateur anglais peu connu, Rupert Wyatt est repéré lorsqu’il réalise en 2011 le premier épisode reboot de la franchise de La Planète des Singes. Peu productif (sa filmographie compte à ce jour quatre films), il réalise en 2014 The Gambler, son troisième long-métrage, et commence en 2016 la préproduction de Captive State dont il est aussi le scénariste. En conséquence, le film a privilégié d’un travail d’écriture particulièrement appréciable, effort permettant d’équilibrer ce projet se voulant grand public mais au casting moins bankable. Commençant le récit après une invasion extraterrestre, l’histoire cherche donc à se concentrer sur les séquelles que provoque un régime totalitaire. On assiste rapidement à la peinture d’un système où les plus riches sont favorisés et où les plus pauvres sont relayés au rang de main d’œuvre solvable. Une histoire au climat très similaire au contexte sociopolitique actuellement investit aux Etats-Unis. Mais à vouloir trop raconter, Captive State donne parfois l’impression d’être justement aveugle quant à ce dit contexte et les enjeux que l’on peut s’attendre à voir être traités.

Pour qui est habitué aux films de science-fiction des dernières décennies, Captive State n’étonne pas ou peu. Si la question de l’invasion était un thème d’abord plus prisé, utilisé comme parallèle évident à l’infiltration du système soviétique aux États-Unis, aujourd’hui il est plutôt question d’une présence connue et installée représentant un certain rôle moral ou social. La présence alien dans Captive State est ainsi un moyen de créer une société dystopique où une force globale et totale a restructuré certains gouvernements, et plus particulièrement ici le gouvernement américain. En prenant la forme d’une force divine, elle permet l’instauration d’une dictature. L’univers ainsi crée parait donc de prime abord purement manichéen. Le générique d’ouverture, identique à celui que l’on trouve dans la suite de Matt Reeves de La Planète des Singes (L’affrontement), est uniquement composé de flashs d’informations, mis en parallèle à des messages cryptiques venant d’une entité inconnue mais sûrement majeure de la révolution.

On a d’un côté les collaborateurs, et de l’autre les survivants, destiné évidemment à devenir des rebelles, ou ici des « terroristes », qui n’auront comme seul but que de détruire le pouvoir établi. Mais le fonctionnement du film dans sa première demi-heure, et particulièrement la façon dont Rupert Wyatt relie cette problématique à ses personnages, nous expose immédiatement la clé principale du film : dans tout système, personne n’est réellement ce qu’il prétend être. D’une certaine façon, le film nous livre immédiatement l’évidence de la fin, pour mieux nous inviter à découvrir la mécanique et les sacrifices que peuvent impliquer de tels choix moraux. Pari risqué, et peut-être pas réellement voulu, il n’empêche qu’ainsi on évite l’écueil de la mise en place d’un twist scénaristique qui lui, serait apparu comme une solution facile à la conclusion de cette histoire.

Avec ce genre de mise en place, très fragile car nécessitant une construction et une évolution des personnages impeccables, l’on est en droit de s’attendre à une considération totale pour ces enjeux. Mais c’est là où Captive State déçoit, Rupert Wyatt n’arrivant jamais à tenir ses propres idées. Car même si l’on sent au départ la pression de ce système : mise en place de rafles, contrôle de l’identité de chaque humain par une technologie extraterrestre ou encore la présence de « Législateurs » tout puissants et craints, le scénario dévie rapidement et fait disparaître cette lecture sociopolitique. La faute est sûrement due ici à une histoire fragmentée qui se concentre beaucoup trop sur un épisode certes indispensable, mais beaucoup trop long. Car après sa première demi-heure le film ne laisse la place qu’à la mise en place d’un attentat et son déroulement.

Le moment est certes très dynamique et la tension particulièrement soutenue, mais celui-ci nous fait totalement oublier les deux personnages majeurs du film : le commandant joué par John Goodman, et le témoin de ces actions, Gabriel, joué par Ashton Sanders. Ce dernier disparaissant totalement par un ressort scénaristique trop simple et peu convaincant. L’on a presque l’impression de voir un film dans un autre film, certes très efficace, mais ne s’assumant pas complètement. Quelques éléments précieux pour le scénario y sont distillés, tels que la nécessité du sacrifice dans une situation perdue d’avance et les dommages collatéraux qui en sont la conséquence. On y trouve même un rapport à la religion, ici interdite, qui n’est pas sans intérêt, et qui rajoute le temps d’un court instant une nouvelle idée sur cette peinture de l’Amérique, où l’hymne nationale devient pratiquement un chant religieux.

Mais après cette séquence, le retour à la trame principale ne fonctionne jamais vraiment. La mythologie et la force des éléments jusqu’à lors mis en place ne sont jamais reliés. La « Closed Zone » sensé être le pilier de la présence aliène n’est jamais une menace, et les Législateurs ne semblent être qu’une vaine tentative de contrôle. Leur puissance, impeccablement montré dans l’introduction du film n’est pratiquement pas revue, et un simple humain en vient à bout. Le film lui-même n’y croit pas, et s’oblige ensuite à introduire une nouvelle espèce aliène, plus humanoïde, peu convaincante. Lorsqu’enfin le film se souvient qu’il doit revenir sur ses deux personnages principaux, l’on comprend alors que Captive State se repose beaucoup trop sur son scénario et pas assez sur ses autres composantes.

Si John Goodman a le talent, et l’expérience de par son passif, de construire une certaine évolution autour de son personnage, Ashton Sanders est lui figé et n’évolue jamais vraiment. Ils restent tous les deux outils au scénario sans jamais en être la clé. L’image terne, trop peu inventive n’est, elle, que le témoin d’une sorte de sclérose inexcusable, même avec son manque de moyen (il suffit de voir comment Monsters, haut de son demi-million de dollars, construisait un univers angoissant, glauque et oppressant), qui touche les films récents. On a aujourd’hui l’impression qu’un film engagé et social ne pourrait être accompagné d’autre chose qu’un univers monotone, gris et froid.  

Ainsi, même si Captive State est loin d’être sans intérêt, qu’il propose une belle mise en bouche et un milieu de film plutôt captivant, son manque de cohérence général par rapport à son propre scénario, ne lui permet jamais de raconter avec autant d’ampleur qui le voudrait ses propres enjeux. On trouvera parfois plus de sensibilité et d’ingéniosité dans quelques plans, souvent les plus humbles, où il suffira d’un simple vaisseau en arrière-plan, pour raconter toute l’oppression que le film n’arrive jamais autrement à saisir.

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