Polar : une retraite bien trop vieille pour ces conneries…

Ces dernières années, la rentrée cinéma est devenue un rendez-vous immanquable, un rite de passage, une mise à neuf de nos futurs souvenirs de cinéphiles, mais surtout de nos appétits gargantuesques. Cette faim inexorable qui tente de se galvaniser un maximum de tous les rattrapages de films loupés l’année précédente tout en laissant une place certaine pour un dessert qui durera une année de plus. Et il suffit d’analyser la plupart des tops et flops de certains ces derniers temps pour se rendre compte que beaucoup des films qui restent en mémoire débarquent souvent lors du premier trimestre de la nouvelle année. Voilà pourquoi la rentrée cinéma est pratiquement autant attendue que certaines périodes propices à d’autres types de films, un peu comme l’été peut l’être avec les blockbusters. Qu’à cela ne tienne, le cinéma s’invite également sur nos plate-formes de streaming préférées, et Netflix ne déroge pas à la règle (même si son agenda est tellement étoffé que chaque mois est une rentrée à lui tout seul)…et parmi les gros titres annoncés en janvier, il y avait Polar. Adaptation du roman graphique éponyme édité chez Dark Horse Comics (excellente maison d’édition que nous vous conseillons au passage), on y retrouve Mads Mikkelsen dans le rôle de Duncan, un célèbre tueur à gage, sur le point de prendre sa retraite. La firme qui l’emploie depuis des années est à 14 jours de lui verser ses indemnités de fin de contrat. Une somme d’argent colossale qui devrait lui permettre de couler des jours heureux jusqu’à la fin de sa vie. Seulement, Blut, son employeur, ne l’entend pas de cette oreille et ne désire absolument pas lui livrer son dû. Blut décide d’envoyer un commando constitué de ses meilleurs assassins dans le but d’éradiquer Duncan. La chasse à l’homme débute…

Mads Mikkelsen en héros désabusé, nonchalant et sanguinaire. Il ne nous en fallait pas plus pour piquer notre curiosité, d’autant que le roman graphique, d’un très bel acabit visuel, promettait un film stylisé comme on en n’avait plus vu depuis certaines adaptations de Frank Miller (Sin City, 300). Un matériau de base solide, une tête d’affiche qui transpire la bad attitude similaire au héros qu’il dépeint, une histoire basique, mais qui annonçait des séquences musclées…pour un résultat franchement décevant ! Polar ressemble à un énième thriller comme on en a vu des dizaines depuis des années. Rien de bien folichon à se mettre sous la dent. Et pourtant, le film s’ouvre d’une manière agréable sur fond de cabotinages loufoques, extrêmes, gore et fun. L’ouverture de Polar laisse supposer une séance jubilatoire où les codes de la bienséance seront mis entre parenthèse afin de satisfaire le spectateur avide de sexe, de drogue et de violence. Polar vient titiller nos plus bas instincts en nous promettant un déferlement anarchique salvateur. Oui, le film est violent. Oui, le film offre des courbes généreuses (et notamment une scène de sexe bestiale entre Mads Mikkelsen et la plantureuse Ruby O. Fee). Le film défend ses promesses, là n’est pas la question. Il souffre surtout d’une banalité hors norme. Polar est un énième thriller lorgnant beaucoup trop souvent entre un second degré pitoyable et un sérieux tombant dans un pathos exécrable pour daigner convaincre pleinement. La rupture de ton ne s’amorce jamais correctement. D’un côté il y a la quête cathartique portée par le personnage de Duncan qui est hanté par de sombres erreurs passées qu’il tente d’exorciser. De l’autre, il y a l’espièglerie et la bouffonnerie accablante d’une horde d’assassins crétins emmenée par un chef au charisme désuet qui fait à peu près autant peur qu’un poulpe leucémique. Cohabitation difficile au sein d’un film qui tente de faire se croiser deux histoires qui n’ont rien à faire ensemble. Et c’est là son principal défaut : le film ne sait pas gérer ses ruptures de ton. On ne sait jamais s’il faut rire, pleurer ou frissonner. De ce fait, nous restons en permanence détaché de tout ce qui se déroule à l’écran, empêchant tout processus d’identification ou d’attachement aux personnages. Preuve en sera avec sa fin ouverte, précédée d’une révélation supposée être forte en émotion qui ne fera pas lever ne serait-ce qu’un cil. D’ailleurs, toute l’amorce du climax sera d’un grotesque sans pareil. Le film sombre sans crier gare dans une séquence de torture porn gratuite toute droit sorti de Hostel. A trop vouloir faire l’apologie de la violence, le réalisateur en a oublié d’y insuffler un charisme probant qui permettrait de mieux digérer la pilule.

Le film est réalisé par Jonas Akerlund, un professionnel du clip vidéo qui a notament travaillé avec Madonna, Beyoncé, Pink, Jamiroquaï, The Rolling Stones, Rammstein, Coldplay, Iggy Pop ou encore Metallica. Réputé dans le milieu musical, les qualités de ses clips sont indéniables. D’ailleurs, la photographie et l’efficacité de montage de certaines séquences de Polar demeurent des atouts efficaces qui temporisent quelque peu notre avis sur le film. On ne peut pas lui enlever son envie de proposer un film aux images léchées. Polar est vraiment très beau à regarder. Il y a des plans ingénieux et Akerlund sait orchestrer de belles séquences d’action. Nous avons été conquis par l’assaut des assassins sur la maison de Duncan. Une très belle séquence d’action qui allie parfaitement tension, suspense et rythme effréné. Polar s’offre des éclairs de génie par moment qu’on en vient à regretter ce que le film aurait pu être s’il avait été plus clair dans ses notes d’intentions scénaristiques. Quand il décide de faire les choses bien, le film se calque parfaitement avec la démesure et la fluidité du roman graphique. Le découpage technique du film sait se montrer malin, du moins suffisamment pour piquer votre curiosité jusqu’à la fin. Mais peut-être que nous en attendions probablement un poil trop de sa part. Peut-être que nous sommes comme Duncan, bien trop vieux pour ces conneries. Pour sûr que le film plaira aux adolescents venus chercher des gros seins et de la tripaille dans tous les sens. Pas sûr qu’il arrive à repaître de vieux briscards fervents défenseurs de nos bons vieux Léon, Assassins ou même Le Chacal (si, si, le film avec Bruce Willis en roue libre totale qui arrache dans vergogne le bras de Jack Black dans une séquence à mourir de rire).

Polar est un film en demi-teinte. Autant il saura faire preuve de vrais éclairs de génie par moment, autant il sombrera dans l’indifférence la plus totale l’instant d’après. Un film quelconque qui loupe le coche emporté par une note d’intention trop brouillonne. On se ravira d’admirer le talent inégalable de Mads Mikkelsen…et du non-jeu de tout le reste du casting. Seulement, nous n’en retiendrons rien d’autre. Netflix loupe sa rentrée cinéma avec ce Polar qui avait, pourtant, matière à nous faire jubiler.

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