La Favorite : Comment réussir son ascension sociale en dix leçons

Un an seulement après Mise à mort du cerf sacré, Yórgos Lánthimos s’est remis au travail pour nous livrer La Favorite, son premier film d’époque et le premier qu’il réalise sans avoir participé au scénario. Il ne sera cependant pas difficile de comprendre pourquoi le cinéaste grec, qui a vu sa carrière décoller à l’international depuis l’excellent The Lobster, se retrouve aux commandes de ce film caustique à l’humour grinçant.

La Favorite se déroule dans l’Angleterre du XVIIIème siècle sous le règne de la reine Anne. Celle-ci, fréquemment malade, fragile, passive et sujette à des sautes d’humeur ne règne quasiment plus sur le royaume. C’est en effet son amie et confidente Sarah Churchill, duchesse de Marlborough qui tire les ficelles politiques avec autorité. L’arrivée d’Abigail, cousine de Sarah tombée en disgrâce depuis que son père l’a perdu aux cartes, va bouleverser l’ordre établi. En effet, Abigail, prête à tout pour se retrouver un titre de noblesse et une place sûre, va très vite gagner les faveurs de la reine en se montrant aimable et affectueuse là où Sarah se montre souvent franche et désagréable. Sarah et Abigail vont alors se livrer une guerre sans merci…

Sous le couvert des personnages historiques, Lánthimos ne fait que livrer une satire virulente sur les gens prêts à tout pour l’ascension sociale. Tous les personnages du film ne font que multiplier les bassesses, les coups dans le dos, les mensonges et les tromperies pour obtenir une bonne position auprès de la reine. Ils sont mielleux (Nicholas Hoult est hilarant), hypocrites, lubriques et leurs considérations si importantes semblent bien éloignées de la réalité de la vie. Le cinéaste filme ce petit monde étriqué et ridicule avec malice et une énergie étonnante. Loin de tomber dans les travers d’une reconstitution chic et fastueuse qui en jette, Lánthimos préfère éviter les pièges habituels et dynamise un genre assez corseté. Sa mise en scène n’hésite pas à être baroque, volontairement dérangeante, voire difforme (les plans avec de larges focales sont nombreux), souvent énergique (les mouvements de caméra sont vifs) et le langage des personnages est si vulgaire qu’il brise tout de suite le cliché du film en costumes. Au contraire, la vivacité et les traits d’humour dont font sans cesse preuve le scénario et la mise en scène s’avèrent particulièrement réjouissants.

Sur cet affrontement féminin plein d’entourloupes et de méchanceté, Lánthimos jette un œil d’abord amusé. Dans toute sa première partie, La Favorite est une comédie farouche, animée de l’humour noir cher au réalisateur, sur deux femmes prêtes à tout pour rentrer dans les bonnes faveurs d’une reine capricieuse. Mais la deuxième partie se montre beaucoup plus cruelle et la fin du film ne laisse aucun doute quant à la tragédie qui se joue pour Abigail et Sarah. Afin de s’assurer une place auprès de la reine, elles doivent être prêtes à tout, notamment laisser tomber toute dignité. Car cette reine Anne, parfois passive peut se révéler largement tyrannique, assurant sa domination sur ses favorites avec peu de pitié quand elle s’y met. De façon étrange, c’est ainsi le personnage de Sarah (Rachel Weisz, sublime et féroce) qui devient le plus touchant tant sa disgrâce touche au pathos. Complétant la distribution, Emma Stone (rarement vue aussi pernicieuse) et Olivia Colman (royale) sont fabuleuses, livrant un numéro d’actrices achevant de faire de ce dynamitage en règle d’un genre poussiéreux l’un des films les plus détonants de ce début d’année !

1 Commentaire

  1. film superbe rôles costume et lumière, le langage cru pet surprendre, mai je pense, réaliste.
    Le son est un peu surprenant au départ, mais on s’y fait.

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